"Il y a des noms qui
retiennent toujours l’attention, lorsqu’ils paraissent parmi la myriade
brouillonne et confuse de livres qu’on appelle rentrée littéraire parce
qu’ils sont la promesse jamais démentie d’une réussite, mais parce
qu’ils sont synonymes de
tentatives.
On sait, à les lire,
qu’il ne s’agira pas d’une énième production littéraire d’un marché
culturel qui s’épuise à ne produire que des copies et des produits
standardisés, mais qu’il s’agit toujours d’un risque : on tente quelque
chose, quelque chose de différent et qui prend un chemin inverse à ceux
trop balisés par les pratiques courantes. Il n’est pas dit que ces
tentatives soient toujours réussies, mais l’on est en droit de préférer
qui tente et se rate à celui qui ne fait que reproduire les habituelles
resucées dont trop souvent on se lasse. Car c’est la même chose, à
toutes les rentrées le même refrain, les mêmes couplets criards sur les
prétendus chefs d’œuvres qui ne trompent personne. Et toujours les mêmes
batailles, à essayer de faire entendre les quelques textes qui
surnagent, parce qu’ils n’appartiennent pas, justement, au marché de la
production (il faut nourrir la machine littéraire, poursuivre sa
carrière, donner aux « gens » l’onction du pain littéraire quand bien
même sa farine n’est plus fraîche).
Petits travaux pour un palais appartient aux novellas de Krasznarhorkai, que le public français a fréquenté récemment avec Le Dernier Loup (Cambourakis, 2019). Il raconte l’histoire, à la première personne, d’Herman Melvill (sans le E de l’auteur de Moby Dick),
bibliothécaire d’âge moyen à la New York Public Library, dont nous
suivons les errances dans un Manhattan propice à la résurrection de
fantasmes, en particulier ceux de Herman Melville (le vrai), Malcolm
Lowry et de l’architecte Lebbeus Woods (trois figures existantes qui lui
permettent de réfléchir à l’art, à la catastrophe, à la vacuité). Car
notre bibliothécaire a un projet, celui d’une bibliothèque, mais une
bibliothèque fermée dont on ne sait pas trop bien si elle est un
cénotaphe, un monument ou un aleph inaccessible qui retiendrait ou
repousserait l’univers. Le récit d’une seule phrase suit, dans les
digressions discursives que permet l’élan de la confession, la pensée et
la progression d’un projet jamais très éloigné de la folie." La suite sur diacritik.com
Laszlo Krasznahorkai, Petits travaux pour un palais, traduit du hongrois par Joëlle Dufeuilly, Cambourakis, 16€, septembre 2024.