" Interview avec Dávid Szolláth, auteur d’une toute récente monographie sur Miklós Mészöly et extrait d’une nouvelle inédite en français de cette figure incontournable de la prose hongroise.
« Son style, ses procédés narratifs sont les fruits de sa confrontation avec la tradition épique hongroise, qui se distingue par les digressions, la verbosité, l’abondance de détails », note Beáta Thomka
[1], analysant les raisons de cette « tendance à compresser, à concentrer » caractéristique de Mészöly. Que pensez-vous de l’intéressante interprétation de Péter Nádas suggérant que « cette quête de concision [serait] une particularité stylistique propre à la génération de la guerre »
[2]?
« Les gens revenaient muets du champ de bataille »
[3] ; c’est ainsi que Walter Benjamin évoque l’atmosphère qui régnait au lendemain de la Grande Guerre. Or, le climat était similaire après 1945. Tout ce que les survivants avaient appris avant la guerre, tout ce en quoi ils croyaient avait soudainement perdu toute validité. Et la langue n’était pas encore à même d’exprimer la destruction, les mots manquaient.
Je soupçonne que pour Mészöly (et bien des membres de sa génération), la
guerre ait entraîné une sorte de remise à zéro culturelle. Ainsi, le
théâtre de l’absurde des années d’après-guerre à Paris peut être perçu
comme une mise en scène de l’invalidation tragi-comique de la langue et
des modèles culturels. En témoignent, par exemple, la leçon d’anglais de
Ionesco dans La Cantatrice chauve ou la logorrhée du monologue de Lucky dans En attendant Godot.
À partir de ce néant, de ces ruines, il fallait construire un nouveau
langage artistique. C’est peut-être ce qui explique que, face à Mészöly,
nous identifions avant tout des liens définitivement rompus, il ne poursuit
pas la tradition ; en revanche, il est à l’origine de nombreux liens
nouveaux qui le relient aux générations suivantes de prosateurs
hongrois. La conception de l’absurde selon Kafka, Camus, Beckett et
Ionesco a été la principale source d’inspiration de l’après-guerre. Dans
mon livre[4], j’examine ses premières œuvres de théâtre et de prose à la lumière de ce contexte littéraire international." La suite sur litteraturehongroise.fr
[1] Beáta Thomka, Mészöly Miklós, Kalligram, 1995
[2] Privát Mészöly, [Mészöly intime] Film documentaire de Péter Gerőcs et Asia Dér, 2011
[3] Benjamin, Walter, Expérience et pauvreté, trad. : Pierre Rusch, in : Benjamin, Œuvres II. Gallimard, Folio Essais, Paris, 2000. 365.
[4] Szolláth Dávid : Mészöly Miklós, Jelenkor, 2020