"Budapest s’oppose au prélèvement de 15 % sur les bénéfices, qui doit
entrer en vigueur le 31 décembre 2023. L’UE espérait être la première à
entériner ce projet adopté en 2021 par 140 pays sous l’égide de l’OCDE.
« Ça fait partie des charmes de cette négociation. Il y a des avancées, il y a des reculs »,
a commenté, laconiquement, Bruno Le Maire, vendredi 17 juin, à l’issue
du conseil des ministres des finances européens, au cours duquel la
Hongrie s’est opposée à l’adoption, par l’Union européenne (UE), d’un
impôt minimum de 15 % sur les bénéfices des grandes multinationales, à
compter du 31 décembre 2023.
Le
ministre français, qui espérait que l’UE donne enfin corps au projet
adopté en 2021 par 140 pays sous l’égide de l’Organisation de
coopération et de développement économiques (OCDE), après près de cinq
années de débat, est en réalité très énervé. La France, moteur sur le
sujet, occupe la présidence tournante du Conseil de l’UE jusqu’au 1er juillet.
Elle aurait aimé pouvoir accrocher à son tableau de chasse une réforme
fiscale mondiale jamais tentée, capable de porter un coup d’arrêt aux
paradis fiscaux à taux zéro et aux stratégies de dumping fiscal. La
décision aurait, en outre, été particulièrement bienvenue, à deux jours,
en France, du second tour des élections législatives. La Hongrie avait
pourtant donné son aval à la réforme, à la fin de l’année 2021, au
niveau de l’OCDE, avec le reste de la communauté internationale.
« Il nous faut parvenir dans les jours qui viennent à une adoption finale de ce projet de directive »,
a néanmoins déclaré Bruno Le Maire, laissant entrevoir d’ultimes
négociations politiques sur le fil pour rallier Budapest et adopter le
texte à l’unanimité des 27 pays membres, comme le veut la règle. Le
compte à rebours est pour le moins serré, car le 1er juillet, la France cédera la présidence du Conseil de l’UE à la République tchèque, dont l’agenda sera peut-être différent.
Sujet diplomatiqueLe
sujet, de fait, est bien plus diplomatique que fiscal et renvoie aux
relations compliquées qu’entretient la Hongrie de Viktor Orban avec
l’Union européenne. Ainsi, officiellement, le veto de Budapest se fonde
sur le contexte de forte inflation et sa crainte de voir l’instauration
d’un tel impôt minimum mondial causer « de graves dommages aux économies européennes ».
Toutefois à Bruxelles, on interprète autrement le revirement de
Budapest, en pleines discussions sur l’accès au plan de relance européen
d’un montant global de 750 milliards d’euros, que la Commission
européenne entend conditionner au renforcement de la politique
anticorruption du pays.
La
Hongrie n’est d’ailleurs pas la seule à se saisir de ce momentum
politique, pour pousser ses pions. Début juin, la Pologne a elle aussi
menacé de faire capoter l’adoption du texte de transposition fiscal.
Varsovie réclamait de lier cet impôt minimum mondial au second volet de
la réforme conçue et pilotée par l’OCDE, pourtant toujours en cours de
finalisation technique, et portant sur une plus juste répartition des
impôts des multinationales, entre leurs pays d’origine (ceux de leurs
sièges sociaux) et ceux où elles réalisent véritablement leurs profits
(les pays où se trouvent leurs marchés et leurs clients)." La suite sur lemonde.fr (article payant)