"Un projet privé hongrois vise à édifier cette année, à la frontière
ukrainienne, un nouveau terminal ferroviaire destiné aux trains en
provenance de Chine. Et d’ici à 2024, le premier campus d’une grande
université chinoise en Europe pourrait voir le jour à Budapest.
Les
pelleteuses s’affairent à aplanir le sol désespérément gelé des confins
de la plaine hongroise. Si tout va bien, d’ici à la fin 2021, devrait
s’ériger sur ce terrain désolé de 125 hectares, situé à une dizaine de
kilomètres de la frontière ukrainienne, ce que ses concepteurs ont déjà
baptisé « le plus grand et le plus moderne terminal ferroviaire d’Europe ».
En 2022, les premiers trains en provenance de Chine devraient décharger
leurs conteneurs à Fényeslitke, qui deviendra une nouvelle porte
ferroviaire sur l’Union européenne (UE). Après avoir traversé la Russie
et l’Ukraine sur des wagons à écartement russe, ceux-ci seront
transférés sur des trains à écartement européen, puis partiront à
destination de tout le sud du Vieux Continent.
« Nous
pourrons accueillir jusqu’à quatre trains en même temps, ce terminal
sera bien plus grand que ceux existant en Pologne et en Biélorussie », vante Janos Talosi, PDG de l’entreprise East-West Gate, qui veut concurrencer l’axe actuel passant par l’Allemagne. « Notre
situation géographique lui permettra d’être la porte occidentale des
“nouvelles routes de la soie”, les marchandises de Chine pourront
arriver en seize jours », ajoute-t-il, en prenant toutefois soin de dire que « c’est un projet privé qui ne dépend pas directement » du
grand plan de Xi Jinping consistant à faciliter les exportations
chinoises via de nouvelles infrastructures financées par Pékin, un peu
partout entre l’Asie et l’Europe. Mais si M. Talosi est très prudent dès
qu’il s’agit de parler de géopolitique, l’investissement à hauteur
d’une soixantaine de millions d’euros, et provenant à 80 % d’un
milliardaire russo-hongrois, Ruslan Rahimkulov, profitera de la position
très pro-Pékin de Viktor Orban, le premier ministre ultranationaliste
au pouvoir à Budapest.
A
l’image de East-West Gate, ces derniers mois, les annonces
d’investissements chinois ou favorables aux intérêts chinois se sont en
effet multipliées dans la patrie d’Europe centrale. Si la Chine tente
depuis plusieurs années de mettre un pied dans la région, avec plus ou
moins de succès selon les Etats, 2020 a marqué une brutale accélération
de ses plans en Hongrie. Avec la Serbie, qui ne fait pas partie de l’UE,
la nation de Viktor Orban est le pays d’Europe le plus ouvert à Pékin,
une façon pour le dirigeant hongrois de contrebalancer une Union
européenne qu’il ne cesse de fustiger, même s’il se garde bien de la
quitter. « S’il y a d’autres pays comme l’Italie ou la Grèce qui
peuvent être sensibles à la Chine, aucun ne lui voue un amour
inconditionnel comme la Hongrie », souligne Agnes Szunomar, professeure d’économie spécialiste de la Chine à l’université Corvinus de Budapest." La suite sur lemonde.fr (article payant)