vendredi 23 février 2024

Reportage. En Transcarpatie, dans l’ouest de l’Ukraine, “bientôt, il n’y aura plus de garçons”

"Depuis deux ans, malgré son éloignement des combats, cette région frontalière de la Hongrie, et qui abrite la minorité magyare d’Ukraine, ressent profondément la douleur de la guerre et l’angoisse de la mobilisation, raconte ce reportage du quotidien hongrois de gauche “Nepszava”.

Entrer dans un territoire en guerre serre l’estomac. Entendre une alerte aérienne aussi, même si personne ne sursaute au son assourdissant de la sirène. Pourtant, ce n’est pas un exercice. Des bombes pleuvent sur le pays. L’Ukraine subit aussi des attaques verbales et cyniques du gouvernement hongrois. La prochaine fois, nous arriverons avec un drapeau ukrainien en Transcarpatie. L’Ukraine a déjà assez de soucis sans nous. Elle enterre des héros de guerre. Des garçons, des pères. L’Ukraine se bat parce qu’elle ne peut faire autre chose. En direction de Beregsurany (village [hongrois] frontalier de l’Ukraine), l’autoroute ressemble à une apocalypse zombie. Aucun véhicule à l’horizon pendant de longues minutes. Presque zéro attente à la frontière.

“Tout va bien ? Pas d’arme ?” demande le douanier ukrainien pratiquant son magyar avec un accent slave. “Cigarettes ?” enchaîne l’officier frigorifié. Il ne cherche pas de marchandise de contrebande, car en Ukraine les cigarettes coûtent le tiers du prix hongrois. L’homme se contente d’une clope puis retourne piétiner dans le froid qui vous gèle jusqu’aux os. “Le petit papier ?” nous demande-t-on au dernier poste de douane. Nous remettons le certificat confirmant que, depuis cinq minutes et au terme des cent mètres parcourus, nous ne sommes ni plus ni moins de personnes dans la voiture. Après tout, qui voudrait se faufiler illégalement sur une terre de guerre ?

Les jeunes n’imaginent pas leur vie sur place

À Berehove, la nuit tombe sur le parc mémorial de l’agression russe de 2014. Un écran géant projette de la propagande guerrière entre deux réclames souriantes. Les opinions alternatives se trouvent sur Telegram. Nous regardons les visages des victimes de l’époque, dont des héros de la 128e brigade d’assaut de montagne de Transcarpatie, siégeant à Oujhorod. Toutes les bougies sont consumées. Elles avaient été allumées lors d’une prière en hommage aux neuf morts du bombardement du 3 novembre 2023 à Zaporijjia. Un missile russe Iskander-M s’était abattu sur une cérémonie de remise de décorations.

Triste réalité : les premiers morts transcarpates des guerres de 2014 et de 2022 appartiennent à la minorité hongroise. Roland Popovitch, originaire de Berehove, s’est éteint à 19 ans en 2014. Sandor Kis, soldat de marine, est mort le 24 février 2022, au premier jour de la guerre lancée par Vladimir Poutine. Sur la place des Héros, les victimes de l’“opération militaire spéciale” russe s’accumulent.

Malgré le froid piquant et bien que nous soyons un dimanche soir, nous trouvons un kiosque ouvert non loin de là. Des jeunes sirotent des bières. Un garçon et une fille nous proposent aimablement de les suivre vers un lieu abrité histoire de se “réchauffer les esprits”. Miklos fréquente le lycée François II Rakoczi. Ses études terminées, il prévoit de partir en Hongrie et vise Sarospatak ou Debrecen. Virag, elle, s’installerait à Budapest. Les plans de Miklos sont plus solides. Une fois majeur, il contournerait l’armée et l’éventualité du front en tant qu’étudiant, mais ne pourrait quitter le pays qu’avec une raison exceptionnelle. Exemple : travailler pour une organisation humanitaire. Selon Miklos et Virag, la plupart de leurs contemporains n’imaginent pas leur vie en Transcarpatie, et s’exprimer en hongrois n’est pas particulièrement apprécié dans la région." La suite sur courrierinternational.com (article payant)

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