Hétfö, augustus 8.
Csacsogàs. Babil.
Les mois, les jours, les secondes écoulés comme marches élégantes et sentiers détournés, tu te souviens ?
Tu écoutais jadis, comme un babil d’enfant, cette langue chérie, cette langue enfantée, enchantée. A corps perdu, c’est bien le cas : un de perdu, dix de r’trouvés, un d’pendu, dix éplorées… à corps perdu donc, tu te lançais dans ce bain de syllabes et de clochetons jolis, tintinnabulants, envolés de mille clochers en forme de hochet : langue croche, langue à cloche-pied, langue accrochée au fond de mes poches.
Ah oui, tu croyais ça, tu croyais que ces sons babillés, susurrés, gloussés, aux consonances assurées, étaient un jeu d’enfant, assurément. Mais pauvre cloche, le couvercle a sauté, le chapeau-cloche s’est envolé ! Te voilà maintenant lancée dedans le jeu, l’immense jeu d’enfant, au début du chemin, au pied de l’arbre enchanté, en chantier : un pas, deux pas et tu trébuches, tu pleures et tu pleurniches car les clochers s’effacent de ton paysage rêvé, tout là-bas, au-dessus de tes bras. Tu ânonnes et hésites au b-a BA des âges. Comme un bébé béta tu entonnes une phrase, et, plaf !... ça ne va pas.
Tu glousses de plaisir quand un mot rondelet pousse, comme trolle, au jardin d’un échange, quand on te tend un fil, un petit trait d’union cueilli au rebord d’un chapeau. Au jardin du Magyar il est des fleurs subtiles, des vergers de tendresse dans les phrases qui dansent. Quand le retour des mots descend des collines et coule en ton âme, tu es là et respires la senteur d’une rose ouverte en un sourire, un petit mot-bonjour échappé de la nacre.
Et puis tu risques un pas, un pas du quart du plus petit orteil, tu oses une question à la pointe de l’aile d’un oiseau inconnu : « varjù », mot-statue fredonné au côté d’un hôte bleu au creuset de quatre murs-magie *et puis d’autres questions, des questions qui émergent d’un immense océan, horizon de questions, océan de questions, notes jetées en vrac sur la portée des astres de Babel. Et là déferle tout un flot, des histoires et des stances pour le nom de cet arbre glané au gré du vent, recueilli tendrement au verbe d’une dame. L’acacia du Japon est le miel de l’histoire dans la lumière ambrée dans le soir, le tramway. Elle en donne et redonne des gestes et puis des rires, des averses et des plaines, des collines et puis des pics, des cascades de mots, de moultes phrases belles comme gerbe d’été, épi de miel donné … et… je ne comprends goutte ! Et se dépose en moi une goutte de mot, l’ombre claire du sens qui sait t’attendre, hongrois que je ne comprends pas.
Je bois tes paroles-papillons aux marches des gares et des palais, ton lait et tes miracles, ma Hongrie, mon drôle d’amour, je recueille et distille en mes rêves les milliers d’étincelles de tes torrents de verbes. Là où palpitent les mots au volant d’un taxi, j’entends s’ouvrir un rideau, léger frissonnement à l’épaule, au dire, au revoir, au dire, au soupir, à l’impossible dire du partir.
Le babil s’est éteint au clair de ma chair et c’est ton cœur qui s’en vient, c’est mon cœur qui s’échoue et qui n’en finit pas de chercher l’écho, le babil de Ta voix.
Anne Fénié
Merci Anne pour ta jolie prose poétique d'inspiration hongroise.
dimanche 7 septembre 2008
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