"Ferenc Makra, et ses quatre compagnons, tous de la localité de Pestlorinc* furent arrêtés un lundi de Pâques, à l'aube. Après une semaine de détention préventive, Makra fut libéré, alors que les autres étaient déférés au Parquet. Le jour de sa libération, donc le premier lundi après Pâques, Makra quitta la maison de ses parents, ses affaires réparties entre une petite valise en carton, un sac à pain remontant à la deuxième guerre mondiale et un simple filet à provisions. Le lendemain, mardi, il démissionna de l'usine où - mise à part la période de son service militaire - il avait travaillé sans interruption depuis ses années d'apprentissage. Ainsi débuta la vie atypique de Ferenc Makra, en même temps que son combat en vue de s'engager dans cette ornière que suit la grande majorité des humains."
* Banlieue de Budapest
C'est ainsi que débute le roman de Ákos Kertész et dans cette dernière phrase toute la tonalité du livre est donnée. Makra pourrait être un héros existentialiste. Ce roman écrit dans les années 70 me rappelle l'Etranger d'Albert Camus ou les héros sartriens. Il y a quelque chose de cette profonde conscience de l'absurde chez Makra. C'est un étranger au monde, à sa vie, un étranger à tout, un type décalé. Je pourrais dire aussi que c'est le prototype du juif errant cherchant à s'assimiler ou de l'exilé, expatrié qui cherche à s'adapter au monde environnant, qui voudrait se fondre dans la masse mais pour qui le monde extérieur reste à jamais interdit. D'ailleurs Makra, en raison de son aspect physique est pris tantôt pour un juif tantôt pour un tsigane, assimilations dont il se défend plus ou moins laissant parfois planer l'ambiguïté. "Il se demandait sérieusement après avoir lutté, depuis l'âge de raison, contre cette idée, s'il n'était pas différent de la majorité des gens."
Makra plaît aux femmes. Quatre personnages féminins ponctuent son parcours. Zsuzsa, une fiancée richement dotée fait une courte apparition au début du roman. Puis arrive Vali, femme moderne, artiste, libérée, militante, qui agit en révélateur de l'artiste qui sommeille en Makra. Une passion réciproque les réunit et les sépare. Il y a enfin Magdus à laquelle "il était lié... par dix années de luttes et de peines communes, par cet enfant..." Magdus, femme ordinaire, stupide, sans relief représente "cette ornière que suit la grande majorité des humains" et que Makra finit toutefois par tromper avec la Sztanek.
Et puis Vali réapparaît encore fugitivement dans la vie de Makra à la faveur de la révolution d'Octobre 56. Kertész ne l'évoque pas comme une contre-révolution (ce qui fut toujours la thèse officielle du pouvoir stalinien) ce qui indique une certaine liberté de ton et mérite d'être souligné puisque ce roman a été écrit dans les années 70, une époque encore largement marquée par la normalisation et la répression.
Ce livre donne aussi une bonne idée de la Hongrie de cette époque-là, c'est une belle description du monde des "démocraties populaires".
Enfin, dernière chose que je voudrais souligner, il est rare que le héros d'un roman soit un authentique prolétaire.
Un beau livre que je recommande.
J.P.F.
Makra : Roman de Ákos Kertész paru en français aux éditions l'Harmattan
Traduit du hongrois par Georges Kassai et Gilles Bellamy.
L'auteur dédicacera son livre dans les deux versions française et hongroise le mardi 2 octobre 2007 à partir de 20 heures lors de la prochaine rencontre des Mardis hongrois de Paris à la brasserie A Saint Jacques, 10 rue Saint Martin 75004 Paris - Métro Châtelet ou Hôtel de Ville
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