Le 25 septembre, à la veille de l’ouverture de la saison, nous apprenions avec stupéfaction que le Ministère de la Culture avait réuni rue de Valois les tutelles de la MC93 (Conseil Général de Seine-Saint-Denis et Ville de Bobigny), un représentant de la Région Ile de France ET Muriel Mayette, administratrice de la Comédie-Française pour discuter des modalités de l’absorption de la MC93 par la Comédie-Française.
Révélé au dernier moment par la presse, ce qui se tramait en secret depuis des mois sans que la direction de la MC93 en ait été informée, a provoqué un véritable tollé et une émotion allant bien au-delà du microcosme théâtral.
Convoqué au Ministère, j’ai reçu l’assurance de Georges François Hirsch, directeur de la DMDTS, que rien ne se ferait sans moi, sans la MC93 et qu’il ne s’agissait que d’une étude, d’un projet à débattre et qu’en tout état de cause, la MC93 garderait son indépendance et son identité. Je devais m’engager à réfléchir à ce qui devenait alors « une proposition » de travail avec la Comédie-Française. Ce que j’acceptais, n’ayant de toute façon pas le choix, pour mon équipe, pour mon théâtre.
Le Ministère de la Culture aurait pu alors rédiger un communiqué de presse, disant qu’un projet était à l’étude entre la Comédie-Française et la MC93 indiquant au passage qu’il n’avait jamais été question de mettre un terme à son existence.
Ce ne fut pas son choix. Arguant que ce « projet » avait provoqué une « vague d’informations parfois fantaisistes, voire de désinformation », il décidait de tenir une conférence de presse à la Mairie de Bobigny, lundi 6 octobre à 15h30.
Au cours de cette conférence de presse, Catherine Peyge, maire de Bobigny comparait la venue de la Comédie-Française à Bobigny à un Stade de France dans le domaine de la culture*.
La Ministre de la Culture, se réjouissait de la venue de la Comédie-Française en Seine-Saint-Denis « une ambition majeure pour ce territoire».
Claude Bartolone, Président du Conseil Général de la Seine-Saint-Denis, rappelait quant à lui que la MC93 était une grande maison et que rien ne saurait se faire contre l’équipe de la MC93 qu’il fallait respecter.
J’ai défendu la MC93 devant la presse, la Ministre, les tutelles, contre les attaques dont elle avait opportunément fait l’objet dans la presse (élitisme, gestion, public) et, comme j’y avais été « invité », j’indiquais que nous nous mettrions au travail avec Muriel Mayette pour explorer ce qui pourrait être fait en commun, respectant ainsi la parole donnée au directeur de la DMDTS.
Dans le même temps, à la MC93, à cent mètres de-là, 400 personnes se réunissaient, artistes, écrivains, spectateurs, venus soutenir leur maison.
A vous qui étiez là, dans le hall du théâtre, j’ai commencé par dire « qu’on ne devait pas mettre en conflit des comédiens contre des comédiens » tout en m’interrogeant sur le silence de la troupe des comédiens français. Je vous disais la violence que nous subissions, notre révolte devant les basses oeuvres et la médiocrité, ce que représentait pour moi la négation de l’identité citant Primo Levi. Je vous disais aussi que je devais tenter d’imaginer quelque chose de commun avec la Comédie-Française. Mais que ce débat ne pouvait avoir lieu que si nous conservions la maîtrise de notre théâtre. Il y avait beaucoup d’émotion.
Et puis nous sommes tous rentrés chez nous ; pas tous, Sainte Jeanne des abattoirs faisait ce soir aussi le plein, le théâtre redevenait ce qu’il n’avait jamais cessé d’être, un lieu de parole. De parole donnée aussi.
Et puis, dans la soirée, de retour chez moi, j’ai lu le dossier de presse du Ministère qui nous avait été distribué pendant la conférence. Vous pouvez peut-être encore le télécharger. La différence était patente entre le discours de la Ministre et la position exprimée par ses services. On lit dans ce dossier la description par le menu, de l’installation de la Comédie-Française, dans notre théâtre. Nous y avons lu les chiffres tronqués, manipulés et le mépris dans lequel nous étions tenu par quelques technocrates, le tout dans une prose accablante, d’une telle démagogie qu’on en reste tout simplement incrédule. Je ne peux pas croire que Christine Albanel ait pu cautionner cette invraisemblable (et mauvaise) littérature.
Alors maintenant ? Rien n’est gagné. Beaucoup se rendent déjà compte que ce projet se résume à un effet d’annonce, qu’il est vide de sens et ne s’appuie sur aucune réalité. Certes, ceux qui veulent la disparition pure et simple de la MC93 auront beau jeu s’ils ne parviennent pas à leur fin rapidement, de revenir à la charge, l’asphyxie budgétaire aidant. Mais la très forte (et émouvante) mobilisation autour de la maison nous conforte dans notre projet artistique respectueux de tous les publics. Notre meilleur ambassadeur restant notre superbe programme.
La MC93 et la Comédie-Française ont souffert ces derniers jours de l’incompétence et de l’ignorance de quelques-uns. Le théâtre (en général) ne doit pas être considéré sous le seul aspect d’un problème comptable. C’est trop souvent le cas aujourd’hui. Face à cette situation, il est indispensable de créer une pensée nouvelle, celle de notre place dans la société. Nous devons être capable d’exprimer quelque chose de vital : qu’une société sans art, sans théâtre, sans livre, est une société condamnée. Notre combat n’est pas corporatiste, il est philosophique et humaniste.
Mais nous ne renonçons à rien. Avec François Le Pillouër, président du Syndeac, nous mettons en place un comité qui épaulera la MC93 dans son combat pour la vie, un combat au service de tous. Nous ne renonçons pas non plus à la discussion avec la Comédie-Française.
Un grand théâtre est menacé de mort. Qu’aurons-nous gagné les uns et les autres ? Ceux qui aiment le théâtre, beaucoup, TOUT, peut-être.
Patrick Sommier
Le 8 octobre 2008
(à suivre)
* Catherine Peyge devrait se souvenir que le Stade de France a contribué à créer des milliers d’emplois, fait surgir de terre un quartier nouveau et des dizaines de commerces accompagné d’un projet urbanistique de grande ampleur. Nous lui posons donc la question : combien de créations d’emploi accompagneront l’installation de la Comédie-Française à Bobigny, de créations de commerce, de logements ? Sur le front de l’emploi, c’est plutôt des licenciements qu’il faut attendre, ceux de la plus grande partie de l’équipe de la MC93, permanents, saisonniers et intermittents.
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jeudi 9 octobre 2008
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