"En racontant, au jour le jour, le cancer qui allait l’emporter en juillet 2016, le grand écrivain hongrois Péter Esterházy dépasse le strict journal intime ou le récit de la maladie, pour penser la vie à l’aune de l’expérience de la littérature et invente une forme nouvelle d’autobiographie. Son Journal intime du pancréas s’impose comme un livre d’une grande force qui désarçonne, brouille les repères et semble se nourrir de sa propre matière.
La franchise impose de le dire d’emblée : lire l’ultime livre de Péter Esterházy constitue une épreuve. Primo, on n’aborde pas comme les autres le dernier texte d’un grand écrivain qui sait qu’il va mourir. Surtout quand son sujet s’avère être le cancer qui l’emporte. Secundo, les livres sur la souffrance, la maladie, le désarroi de la disparition, renvoient le lecteur à un inconfort existentiel qui s’apparente presque à un tabou. Sans oublier la crainte des clichés ou du larmoiement qui accompagnent souvent les entreprises de le raconter. Tertio, on peut se méfier un peu de la forme diariste, de l’annonce d’un dernier texte qui paraît en français avec dix ans de décalage, sorte de syndrome du fond de tiroir ou du texte qui clôt sans la clore une œuvre qui a souvent résisté au partage de soi-même.
Et disons-le, aussi clairement que possible : l’écrivain, malgré les aléas de la maladie, contrevient à toutes ces craintes, s’en jouant avec lucidité et distance. Son livre servant en quelque sorte à les métaboliser, à les intégrer à un système narratif qui s’emploie à décrire « la beauté de la vie », à penser sa circonstance pour la dépasser, pour comprendre quelque chose de ce qui porte la vie en en affrontant la finitude. Et c’est cela qui fait de ce livre un récit de soi, de ce qu’Esterházy appelle sa « situation », une « autobiographie » étrange et audacieuse. Un livre qui, à partir de la maladie, réfléchit l’existence, la réduction de sa perspective, mais aussi les choix que l’on fait, les gestes qui nous touchent, les livres qui reviennent à l’esprit ou qui nous aident à penser et à vivre, qui nous font résister." La suite sur en-attendant-nadeau.fr

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