Le 27 mai dernier, le Parti socialiste français a publié un
communiqué dans lequel la Hongrie et son premier ministre M. Viktor
Orbán sont nommément cités. Nous publions ci-dessous la lettre que
l’ambassadeur de Hongrie, M. Georges Károlyi, a fait parvenir sur ce
sujet à M. Jean-Christophe Cambadélis, Premier secrétaire du Parti
socialiste français.
"Monsieur le Premier Secrétaire,
Je
prends connaissance du communiqué daté du 27 mai par lequel le Parti
socialiste français condamne les propos du premier ministre slovaque sur
l’Islam.
Je n’ai évidemment aucune intention de m’immiscer dans le
jugement porté par le Parti socialiste français sur un pays tiers,
fût-il appelé à prendre la présidence de l’Union européenne. En
revanche, je souhaite relever les propos tenus sur la Hongrie dans le
même communiqué.
En premier lieu, la formulation « un » Viktor Orbán
me semble être à la limite de la correction, s’agissant d’un chef de
gouvernement démocratiquement élu d’un pays membre de l’Union
européenne. Qu’il représente un courant politique opposé à celui du
Parti socialiste français n’autorise pas à s’affranchir des règles de la
courtoisie entre responsables politiques.
En second lieu, tout en
ayant le plus grand mal – depuis longtemps – à comprendre ce qu’il faut
entendre par « national-populisme », je tiens à récuser le plus
formellement tout amalgame entre le gouvernement hongrois actuel et
l’extrême droite. N’oubliez pas qu’il existe en Hongrie un parti
d’extrême-droite, le Jobbik, crédité de près de 20% des intentions de
vote (moins qu’en France) et qui représente aujourd’hui l’opposition la
plus virulente à l’action du gouvernement de M. Orbán. Notre
gouvernement assume pleinement le qualificatif de « conservateur », qui
est un élément constitutif traditionnel et indissociable des démocraties
européennes, mais nous n’acceptons pas d’être présentés pour ce que
nous ne sommes pas.
Enfin, le communiqué précise que dans plusieurs
pays, dont la Hongrie, « la xénophobie, le révisionnisme historique et
l’europhobie » ont le vent en poupe. Ces qualificatifs, que vous
employez évidemment sous votre seule responsabilité, me semblent
hautement contestables pour ce qui concerne la Hongrie.
-
Exprimer des réserves sur le bien-fondé de l’accueil illimité et forcé
de migrants n’a rien à voir avec la xénophobie. La Hongrie n’est ni plus
ni moins « xénophobe » que les autres pays d’Europe. Elle en a apporté
la preuve tout au long de son histoire, y compris vis-à-vis des Evadés
français des stalags d’Allemagne pendant la seconde guerre mondiale, que
nous avons accueillis et aidés avant de les exfiltrer vers les forces
combattantes libres, tout en étant, comme chacun sait, les « alliés » de
l’Allemagne nazie...
- Il est sidérant de se faire accuser
de « révisionnisme historique » alors que notre pays, avec ses voisins,
a été matraqué pendant près d’un demi-siècle par la propagande de
l’internationalisme prolétarien. Si nous voulons réviser quelque chose,
c’est bien les conséquences de ce matraquage, et je ne vois pas qui
pourrait trouver à y redire. L’Histoire de France, l’Histoire de la
Hongrie, font partie du patrimoine de tout Etat normalement constitué.
- Quant à l’expression « europhobie », elle est un raccourci
facile et profondément regrettable conduisant à condamner définitivement
et sans appel tous ceux qui expriment des réserves sur le
fonctionnement actuel de l’Union. Avouez que ces réserves ont quelque
fondement. Les Hongrois ne sont pas « europhobes », ils sont «
euroréalistes » et souhaitent au contraire de tout leur cœur que
l’Europe fonctionne d’une manière sensée. Je pense que c’est aussi le
souhait du Parti socialiste français. « L’europhilie » ne consiste pas à
accepter tout et n’importe quoi. Ce qu’il faut, c’est approcher d’une
manière responsable les innombrables défis auxquels nous sommes tous
confrontés. En matière d’euroscepticisme – un terme déjà mieux approprié
– les sondages d’Eurostat révèlent même que les Hongrois le sont moins
que les Français, et que la moyenne européenne. Il faut se garder de
confondre l’attachement à l’Europe et le jugement porté sur ses
institutions.
(...)
Veuillez recevoir, Monsieur le Premier Secrétaire, les assurances de toute ma considération."
Source : Page Facebook de l'Ambassade de Hongrie à Paris
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