mardi 1 janvier 2013

CADEAU DE NOËL d'Adam Biro

Albrecht Altdorfer, Adoration des mages, vers 1530.
Städelsches Kunstinstitut, Francfort.

Avec quelques jours de retard, je vous offre, en guise de cadeau de Noël, trois historiettes.
La première s’adresse à tout le monde. Elle est de circonstance, c’est une histoire pieuse.

Un médecin reçoit la visite d’une mère et de sa fille. La mère se plaint du manque d’appétit de la jeune fille, de ses nausées, de ses vomissements, de ses malaises. Le brave docteur l’examine attentivement (la fille, non pas la mère) et s’adresse à la mère (et non pas à la fille) :
Chère Madame, rien de grave. Tout va bien. Mademoiselle est enceinte. Félicitations !
Épouvantables cris d’effroi de la matrone, pleurs et énergiques dénégations-protestations de la jouvencelle.
Jamais, maman, au grand jamais je n’ai eu la moindre relation de près ou de loin avec un homme. Ce n’est tout simplement pas possible. Je suis toujours vierge.
Le médecin, sans un mot, se lève et se met devant la fenêtre, les yeux rivés au firmament.
Le temps passe. Les deux femmes se regardent, interdites. Le docteur scrute le ciel, imperturbable.
Au bout de plusieurs minutes d’angoisse, la mère éclate :
Mais enfin docteur, nous avez-vous oubliées ?
Le praticien, sans se retourner, tout en continuant à observer le ciel, répond :
Madame, ce que Mademoiselle vient de nous conter est déjà arrivé dans l’histoire de l’humanité, il y a plus de deux mille ans. J’attends d’apercevoir l’étoile qui doit conduire les rois mages à votre fille.

*

Le conte qui suit s’adresse exclusivement aux enfants qui connaissent le Petit Chaperon rouge. Et qui sont obéissants et font gentiment ce que les adultes leur ont appris.

Par une belle matinée de printemps, le Petit Chaperon rouge marche dans la forêt noire et profonde. Elle marche rapidement, sérieusement comme les jeunes filles savent le faire, en regardant droit devant elle. Comme on le lui a appris. « Fais attention dans la forêt ! Ne t’arrête pas, ne parle à personne ! »
Soudain surgit du fourré le Grand Méchant Loup. Il est grand et visiblement très méchant. Sa langue rougeoyante et pendante couvre ses longues dents pointues dont on devine qu’elles tranchent comme des couteaux. Ses yeux sont injectés de sang.
Après avoir suivi un bon moment silencieusement le Petit Chaperon rouge comme les loups savent le faire et comme leurs parents le leur ont appris, il bondit devant elle pour lui barrer le chemin.
Comment t’appelles-tu, jeune fille ? demande le Loup.
Mais tu le sais bien. Je m’appelle le Petit Chaperon rouge.
Et où vas-tu donc de ce pas décidé ?
Je vais au ruisseau. J’ai fait l’amour toute la nuit et maintenant je dois me laver comme on me l’a appris.
Le Grand Méchant Loup rougit si fort que cela se voit à travers ses poils, détourne pudiquement sa tête et dit tout bas, dans un soupir :
Mon Dieu, comme ce conte a changé…

*

J’offre la troisième histoire aux seniors – et en particulier aux seniors venus de l’Est, ceux qui se souviennent encore des kolkhozes, téeszcsé en hongrois, L. P. G. en allemand – de l’Est, bien entendu. Et en roumain ? en bulgare ? en tchèque ? en slovaque ? en polonais ? en albanais, etc. ? Une méthode comme une autre pour apprendre les langues. De l’Est. Du défunt Est.

Dans les années 1970, le président d’un kolkhoze (soviétique, mongol, hongrois, ce que vous voulez) invite le président d’un kolkhoze voisin à boire deux (trois, cinq, huit) verres de vodka (ou de pálinka) chez lui.
Le président invité arrive avec sa Moskvitch toute rouge qu’il gare à côté d’une BMW décapotable. C’est la voiture de son hôte, qui, lui, l’attend déjà sur le perron de sa maison.
Et quelle maison ! Une entrée majestueuse accueille les visiteurs, puis on pénètre dans le vaste vestibule…
Mais comment peux-tu avoir un tel palace ? demande-t-il, éberlué, à son collègue.
L’autre sourit :
Viens, je vais te le montrer.
Ils montent par un large escalier à l’étage, où ils traversent une superbe pièce dont la porte s’ouvre sur un grand balcon.
Vois-tu l’autoroute là-bas ?
Oui, répond son ami. Mais elle ne m’explique pas ta richesse.
C’est avec ce que j’ai économisé sur sa construction que j’ai pu bâtir cette modeste demeure.
Le président invité est très impressionné.
Un an plus tard, c’est son tour de convier son camarade président de kolkhoze chez lui.
Viens donc un jour boire une coupe de champagne.
Et en effet, peu de temps après cette invitation, le président se présente. Il range sa BMW décapotable à côté d’une Rolls-Royce « Silver Shadow ».
Je ne vous décrirai pas la magnificence du palais qui l’accueille. Une armée de jardiniers s’affairent dans le parterre à la française, un portier ouvre la porte au bout d’une colonnade en marbre… et le tout est à l’avenant.
Je suis sidéré, camarade ! Mais explique-moi l’origine de ton immense fortune.
Viens avec moi.
Et ils prennent l’ascenseur jusqu’au troisième étage où un balcon s’ouvre d’une superbe bibliothèque contenant des reliures anciennes et rares.
Vois-tu l’autoroute là-bas ? J’ai été chargé de sa construction.
Mais, excuse-moi, je ne vois aucune autoroute.
Et bien, j’ai suivi ton exemple. C’est avec ce que j’ai économisé sur sa construction que j’ai pu bâtir cette modeste demeure.

Vous me direz, cette histoire pourrait se passer à Marseille, en Corse… et, moins vraisemblablement, quoi que… à Oslo ou à Milwaukee. Si je la situe en Europe de l’Est, c’est à cause de l’accent.

Je vous souhaite une excellente année 2013 !


adam biro

janvier 2013
biroadam4(AT)gmail.com

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