Albrecht Altdorfer,
Adoration des mages,
vers 1530.
Städelsches
Kunstinstitut, Francfort.
Avec quelques
jours de retard, je vous offre, en guise de cadeau de Noël, trois
historiettes.
La première
s’adresse à tout le monde. Elle est de circonstance, c’est une
histoire pieuse.
Un médecin reçoit
la visite d’une mère et de sa fille. La mère se plaint du manque
d’appétit de la jeune fille, de ses nausées, de ses
vomissements, de ses malaises. Le brave docteur l’examine
attentivement (la fille, non pas la mère) et s’adresse à la mère
(et non pas à la fille) :
—Chère Madame,
rien de grave. Tout va bien. Mademoiselle est enceinte.
Félicitations !
Épouvantables cris
d’effroi de la matrone, pleurs et énergiques
dénégations-protestations de la jouvencelle.
—Jamais, maman, au
grand jamais je n’ai eu la moindre relation de près ou de loin
avec un homme. Ce n’est tout simplement pas possible. Je suis
toujours vierge.
Le médecin, sans un
mot, se lève et se met devant la fenêtre, les yeux rivés au
firmament.
Le temps passe. Les
deux femmes se regardent, interdites. Le docteur scrute le ciel,
imperturbable.
Au bout de plusieurs
minutes d’angoisse, la mère éclate :
—Mais enfin
docteur, nous avez-vous oubliées ?
Le praticien, sans
se retourner, tout en continuant à observer le ciel, répond :
—Madame, ce que
Mademoiselle vient de nous conter est déjà arrivé dans l’histoire
de l’humanité, il y a plus de deux mille ans. J’attends
d’apercevoir l’étoile qui doit conduire les rois mages à votre
fille.
*
Le conte qui suit
s’adresse exclusivement aux enfants qui connaissent le Petit
Chaperon rouge. Et qui sont obéissants et font gentiment ce que les
adultes leur ont appris.
Par une belle
matinée de printemps, le Petit Chaperon rouge marche dans la forêt
noire et profonde. Elle marche rapidement, sérieusement comme les
jeunes filles savent le faire, en regardant droit devant elle. Comme
on le lui a appris. « Fais attention dans la forêt ! Ne
t’arrête pas, ne parle à personne ! »
Soudain surgit du fourré le Grand Méchant Loup. Il est grand et visiblement très
méchant. Sa langue rougeoyante et pendante couvre ses longues dents
pointues dont on devine qu’elles tranchent comme des couteaux. Ses
yeux sont injectés de sang.
Après avoir suivi
un bon moment silencieusement le Petit Chaperon rouge comme les loups
savent le faire et comme leurs parents le leur ont appris, il bondit
devant elle pour lui barrer le chemin.
— Comment
t’appelles-tu, jeune fille ? demande le Loup.
— Mais tu le sais
bien. Je m’appelle le Petit Chaperon rouge.
— Et où vas-tu
donc de ce pas décidé ?
— Je vais au
ruisseau. J’ai fait l’amour toute la nuit et maintenant je dois
me laver comme on me l’a appris.
Le Grand Méchant
Loup rougit si fort que cela se voit à travers ses poils, détourne
pudiquement sa tête et dit tout bas, dans un soupir :
— Mon Dieu, comme
ce conte a changé…
*
J’offre la
troisième histoire aux seniors – et en particulier aux seniors
venus de l’Est, ceux qui se souviennent encore des kolkhozes,
téeszcsé en hongrois, L. P. G. en allemand – de
l’Est, bien entendu. Et en roumain ? en bulgare ? en
tchèque ? en slovaque ? en polonais ? en albanais,
etc. ? Une méthode comme une autre pour apprendre les langues.
De l’Est. Du défunt Est.
Dans les années
1970, le président d’un kolkhoze (soviétique, mongol, hongrois,
ce que vous voulez) invite le président d’un kolkhoze voisin à
boire deux (trois, cinq, huit) verres de vodka (ou de pálinka)
chez lui.
Le président invité
arrive avec sa Moskvitch toute rouge qu’il gare à côté d’une
BMW décapotable. C’est la voiture de son hôte, qui, lui, l’attend
déjà sur le perron de sa maison.
Et quelle maison !
Une entrée majestueuse accueille les visiteurs, puis on pénètre
dans le vaste vestibule…
— Mais comment
peux-tu avoir un tel palace ? demande-t-il, éberlué, à son
collègue.
L’autre sourit :
—Viens, je vais te
le montrer.
Ils montent par un
large escalier à l’étage, où ils traversent une superbe pièce
dont la porte s’ouvre sur un grand balcon.
— Vois-tu
l’autoroute là-bas ?
— Oui, répond son
ami. Mais elle ne m’explique pas ta richesse.
— C’est avec ce
que j’ai économisé sur sa construction que j’ai pu bâtir cette
modeste demeure.
Le président invité
est très impressionné.
Un an plus tard,
c’est son tour de convier son camarade président de kolkhoze chez
lui.
— Viens donc un
jour boire une coupe de champagne.
Et en effet, peu de
temps après cette invitation, le président se présente. Il range
sa BMW décapotable à côté d’une Rolls-Royce « Silver
Shadow ».
Je ne vous décrirai
pas la magnificence du palais qui l’accueille. Une armée de
jardiniers s’affairent dans le parterre à la française, un
portier ouvre la porte au bout d’une colonnade en marbre… et le
tout est à l’avenant.
— Je suis sidéré,
camarade ! Mais explique-moi l’origine de ton immense fortune.
— Viens avec moi.
Et ils prennent
l’ascenseur jusqu’au troisième étage où un balcon s’ouvre
d’une superbe bibliothèque contenant des reliures anciennes et
rares.
— Vois-tu
l’autoroute là-bas ? J’ai été chargé de sa construction.
— Mais,
excuse-moi, je ne vois aucune autoroute.
— Et bien, j’ai
suivi ton exemple. C’est avec ce que j’ai économisé sur sa
construction que j’ai pu bâtir cette modeste demeure.
Vous me direz,
cette histoire pourrait se passer à Marseille, en Corse… et, moins
vraisemblablement, quoi que… à Oslo ou à Milwaukee. Si je la
situe en Europe de l’Est, c’est à cause de l’accent.
Je vous
souhaite une excellente année 2013 !
adam biro
janvier 2013
biroadam4(AT)gmail.com
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mardi 1 janvier 2013
CADEAU DE NOËL d'Adam Biro
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