Incrédules,
nous guettons notre ciel du Nord, bleu azur, baigné de soleil. Ce n’est
pas normal, cela ne peut pas durer! Nous ne sommes pas habitués à
autant de gâteries! Les jacinthes hasardent une tête dehors, prêtes à se
refermer. On ne sait jamais: on a déjà vu le retour du froid, sévère
coup de bambou sur le nez des audacieux qui s'y croiraient!...
Pour
moi, il y a une éternité déjà, le mois de mars évoquait l'irruption du
printemps, avec l'éclosion des fleurs, l'atmosphère soudain radoucie et
chargée de toutes les fragrances... Le 15 mars, fête de la révolution de
1848, écoliers rassemblés dans la cour de l'école, avec nos cravates
rouges, nous récitions des poèmes de Petőfi. Les commémorations avaient
l'avant-goût du printemps qui éveillaient les désirs: envie de
changement, envie d'aimer, envie de faire le plein de l'énergie du
soleil.
Le temps est passé, la jeunesse s'en
est allée... Le climat océanique remplace le climat continental de mes
jeunes années. Les contrastes violents de la chaleur estivale et de
l'hiver glacial laissent la place à la demi-saison éternelle et aux
émotions en demi-teinte... On évite les réactions vives, la passion se
mue en contemplation. A quoi bon céder aux tentations, perdre la tête
avec le délicieux frisson d'antan, pour entrevoir des lendemains sous un
ciel gris et bas?...
Les
attentes et les rêves fiévreux du bonheur se métamorphosent en douce
résignation, à défaut de sagesse... A quoi bon se révolter contre
l'inéluctable? Ce qui compte, c'est de ne pas avoir de regrets...
Serais- je arrivée au sommet de l'acclimatation parfaite?
Rozsa Tatar
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