Au prochain.. . Monsieur ? — Bonjour. — Bonjour à vous. Enfin, quel bruit !
Vous ne pouvez pas baissez le volume un peu derrière ? Merci.
Ces gens-là font presqu’ autant de vacarme maintenant qu’ils sont morts
Que lorsqu’ils vivaient. Á nous. C’est à propos de qui ? Michel.
Mais, monsieur, vous comprenez, il y a des milliers de Michels ici ;
Vous ne vous rappelez pas son nom de famille ? Indali.
Et sa provenance, son pays d’origine ? L’utopie.
Je regrette, il n’y a point de pays de ce nom inscrit
Parmi les états qui appartiennent aux Nations-Unis.
Elle n’y est pas encore. — Dans ce cas… — Essayez plutôt la Hongrie.
Ça au moins c’est un pays qu’on connaît… Mais non,
Je regrette, je vois personne du nom de Michel Indali inscrit
Dans les archives officiels de ce pays ni d’ailleurs
D’aucun des autres pays de l’Est — si vous voulez mon avis
Votre bonhomme n’a jamais existé. — Mais si,
Je l’ai connu moi-même. Mais comment ça se fait … ? Il s’est réfugié.
Ça s’explique. Dans quel pays? La France, vous dites? C’est vrai,
J’ai bien une mention d’un nommé Michel Indali :
Il a exposé au Salon de la Jeune Peinture à Paris
D’après ce qu’on dit, en mille neuf cents soixante- six — C’est lui ! —
Il s’est associé avec, parmi d’autres, un certain Olivier. O. Olivier
Qu’on connaît un peu mieux — C’était son meilleur ami.
Mais il n’y a pas eu tellement de suite… — C’est parce qu’il s’en est fi
De ce qu’il voyait à la longue comme tracasserie —
La peinture, vous voulez dire ? Pas tant ça, plutôt l’effort inouï
Qu’il fallait pour percer… D’accord, mais avec une telle philosophie,
On arrive à rien de nos jours, vous savez… Michel vous aurait dit
Que ce n’est pas le but de la vie d’arriver mais de vivre —
Laissons ces questions de côté. L’essentiel c’est que je retrouve la piste
De ce personnage quelque peu mystérieux, mystificateur aussi … Né à Budapest Sous le signe astrologique du bélier… père médecin généraliste… Il a dû
Être dans sa dix-septième année en cinquante-six et comme on sait
« On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans »
La citation est de Rimbaud. — Je le savais — Il n’a pu donc s’empêcher
De se mêler des évènements — Naturellement ! — C’était en quelque sorte
La grande aventure… Drôle d’aventure ! — Mais si,
Dans les rues on jouait au cache-cache avec des blindés,
Et les barmans faisaient des cocktails fantastiques, car
« Sous les ponts de Budapest coule le Danube » —
Emportant des cadavres,
Tous ceux qui les ont vu s’en souviennent — Soit.
En tout cas pour notre protagoniste c’était la fin subite
De la vie peinarde, le repas du soir tout prêt, le lycée, la situation…
Mais Michel s’en foutait de tout ça— Est-ce bien vrai ?
En tout cas il a éprouvé le besoin impérieux
d‘un peu d’air frais donc il a échangé son pays natal devenu prison
pour l’ancienne prison devenu pays
où règnent à tout jamais la Liberté l’Égalité et la Fraternité
le voici à La Cimade où il se lie d’amitié avec un certain Toni
et fait le rencontre d’une physio Janine Maume destinée à être en quelque sorte
sa bonne fée et Mécène pendant plus de quarante ans qui doit être un record
le voici encore dans un grenier rue de Bruxelles
où il faisait du fromage en entourant du lait caillé (volé d’ailleurs)
dans du linge et avec la consigne achetait du pain
« Mais comment vous vivez alors ? » qu’on lui demande, et la réplique
« D’expédients » ensuite aux Beaux-Arts où il aurait utilisé sa bourse
pour inviter ses amis à aller écouter Brassens
et pendant tout ce temps-là il a su gagner
une certaine réputation comme peintre de promesse quelque peu surréaliste
Passons jusqu’à l’année mille neuf cents soixante-huit
un grand type maigre avec un nez proéminent monte à la télévision et déclare
« La réforme, oui, non à la chienlit » à quoi Michel :
« Non à la réforme, non à la demi-vie, vive la chienlit »
des manifs, des pavés, des matraquages, du gaz lacrymogène,
ça rappelait cinquante-six sauf que les chars y faisaient défaut….
puisque c’était encore une révolution manquée fallait changer de pays
une fois de plus, donc il s’est taillé dans la Libye on ne sait trop pourquoi
en compagnie de son épouse intrépide Catherine Mérier
un peu plus tard on retrouve sa trace dans le Midi
où il a vécu longtemps dans une borie préhistorique
près de Menerbes village enchanté et enchanteur du Lubéron
retenons comme amis de cette période Francisco, Pierre le Berger,
Pierre Souris, Thomas, Bob l’Anglais (l’auteur de ce récit) et comme amie
principale Marie-Jo… ensuite il s’est lié définitivement à l’aristocratie
en la personne de Geneviève de Brabant, pardon, de Baruelles
châteleine de Pernes-les-Fontaines…
Et la peinture pendant tout ce temps-là? Finie,
Il ne pouvait plus en être question, ça sentait le moisi
il se donnait un peu dans la bijouterie d’occasion avec comme joyaux
des cailloux ramassés sur la route et comme encadrement du fil de fer…
mais surtout pendant toute cette période il s’est taillé
une sacrée renommée comme gourou sans même s’être donné la peine
d’être allé en Inde la devise de son école étant « Pourquoi faire aujourd’hui
Ce qu’on pourrait aussi bien faire demain ? »
« T’es pas gourou, t’es plutôt kangaroo » qu’on lui dit et la réplique
« Quand le gourou te parle, il te met dans sa poche »
vint enfin Caromb et le théâtre de marionnettes
Le célèbre Cirque de Monsieur Rinaldi avec comme personnages
Nina, Rizotto, Yacinthe, Théo le Lion, Luigi et Buster,
l’homme qui faisait rire mais qui ne riait jamais…
Enfin comme épilogue inattendu le grand mur séparant l’est de l’ouest
tombe en miettes et c’est le retour au pays natal, même
à la maison de vacances idyllique de son enfance au bord du Danube
où il fait quelques excellentes aquarelles…
Tenez il se trouve que j’ai sous la main un enregistrement de lui
fait vers la fin de sa vie, vous voulez l’entendre ? — Bien sûr que oui !
« Les ans passent…. et
à la longue
tout se brouille
on confond
un fleuve avec un autre
une ville avec une autre
une personne avec une autre personne
qu’on a connu il y a une trentaine d’années
le mieux à faire c’est de passer ce qui reste de la vie à rêver
et tout ce qui aide
à cette fin honorable est le bienvenu
pourtant ce qui est difficile pour un rêveur assidu
et expérimenté comme je suis
n’est pas de se réveiller mais
de continuer à rêver
car c’est fatiguant le rêve
plus fatiguant que la vie
il y a dans l’univers du rêve tout autant
d’évènements que dans le vie de tous les jours
il y a des attentes des espoirs des rapprochements des extases
des trahisons des meurtrissures des défaillances parfois même des révolutions
seulement
il y a tout de même une grande différence, car
lorsqu’on rêve on ne peut pas s’endormir
quand on a fait du trapèze mental pendant si longtemps
quand on a sauté autant de fois qu’a sauté la belle Nina
le moment vient où on ne veut plus sauter
d’une corde à une autre
d’une ville à une autre
d’un rêve à un autre
et tout se confond
tout se brouille
le bien et le mal
le beau et le laid
le vrai et le faux
dans l’hyper-rêve continu qui ne s’arrêtera jamais
mais dans le Grand Rêve tout est un
Catherine — Marie-Jo — Inger — Vava — Annick
Budapest — Paris — Avignon — Menerbes — Saint Pons— Les Bas Oliviers Rustrel Caromb —Avignon encore
sous les ponts de Budapest coule la Seine
et sous le pont Mirabeau on y danse
et on finit par bien s’apercevoir qu’on est tous des marionnettes
au Grand Cirque de Monsieur Rinaldi dit Grosso Modo
c’est-à-dire qu’on est tous
issus de la tête d’un personnage qui n’a jamais existé
parce que
je l’ai inventé moi-même….. »
Les souvenirs affluent .... J' ai bien connu Michel dans les années 60; Je l'ai retrouvé intact dans le poème de Sebastian Hayes. Trop tard;
RépondreSupprimergrand pincement au coeur !!!
j'aimerais en savoir plus sur la fin, et si il existe des reproductions de ses aquarelles ( j'en fait moi-même).
Peut-on encore parler de lui?
C'était un être exceptionnel et à part.
Bonjour et bien sûr vous pouvez parler de lui. Je publierai bien volontiers tout texte en hommage à Michel Indali. C'est Sébastien Hayes qui me l'a fait découvrir par son texte poétique
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerle post date un peu mais je partage quand même ces deux vidéos de Michel que j'ai mis en ligne,
https://www.youtube.com/watch?v=aGYyKnXGAmE
https://www.youtube.com/watch?v=-ZhEhHu2a6Y
Voilà, en espérant faire des heureux...
Bonjour olazon,
SupprimerEt merci pour votre contribution.
Bien à vous
Bonjour
RépondreSupprimerTous ceux qui ont connu Michel et Vava en Corse vous remercient
Souvenirs...