Communiqué de l'Ambassade de Hongrie en France
Le Huffington Post a publié le 23 septembre dernier une tribune
signée d’Alexandre Bourdet intitulée « Réfugiés en Hongrie : les cinq décisions qui placent Viktor Orbán en marge de ses collègues européens
». Je souhaiterais apporter à cette intéressante étude quelques
précisions qui, je l’espère, permettront aux lecteurs de compléter
utilement leur information. Reprenons les cinq points.
1. Des frontières barricadées avec murs et barbelés
La Hongrie a effectivement mis en place une barrière de barbelés
destinée à sécuriser sa frontière avec la Serbie. Ce faisant, elle ne
fait qu’appliquer les dispositions de la Convention de Schengen qui
impose à tout pays possédant une frontière extérieure de la défendre.
C’est l’indispensable corollaire de l’ouverture totale des frontières
intérieures. Si « plusieurs chancelleries ont fait part de leur
désapprobation », il faut qu’elles s’en prennent non pas à la Hongrie,
mais à la Convention de Schengen. Ces mêmes chancelleries sont
d’ailleurs les premières à réclamer et à exiger la sécurisation des
frontières extérieures de l’Union. C’est ce que fait la Hongrie, pour
compte commun. La France ne fait pas autre chose à Calais, l’Espagne ne
fait pas autre chose à Ceuta et à Melilla, d’une manière encore bien
plus sophistiquée que la barrière hongroise. C’est pourquoi la
déclaration de Laurent Fabius selon laquelle « ce faisant, la Hongrie ne
respecte pas les valeurs de l’Europe » est incompréhensible sur le fond
et nettement déplacée sur la forme (allusion aux « animaux »). S’il y a
contradiction entre les valeurs de l’Europe et les conventions de
l’Europe, il y a clairement un grave problème de cohérence européenne.
2. Des camps de réfugiés aux conditions de vie « inhumaines »
L’intention de fermer les camps permanents ouverts depuis plusieurs
années en zone urbaine répond à un souci d’adaptation aux conditions
nouvelles et absolument imprévues imposées par la situation actuelle.
Ces centres d’hébergement, construits en dur à une époque où le nombre
des migrants était négligeable par rapport aux flux actuels, sont
incapables de répondre aux besoins du moment. Ils seront remplacés par
d’autres structures, hors milieu urbain, à la fois plus souples et
permettant de recevoir un nombre plus grand de personnes déplacées.
Quant à l’histoire de la vidéo clandestine, il serait correct de
remettre les faits à leur place : d’abord, cette scène n’a pas été
tournée dans un centre d’hébergement stable, mais dans une structure de
premier accueil installée le long de la frontière et où sont conduits
les migrants à peine arrivés pour y être enregistrés. Ensuite, la scène
en question – dont nul ne conteste l’authenticité même si elle a été
filmée clandestinement – s’est produite au moment où un groupe de
migrants exténués et affamés venait de passer la frontière. Les
policiers hongrois se sont présentés avec des caisses remplies de
sachets de sandwiches et de quarts d’eau minérale. Comme c’est toujours
le cas dans les situations pareilles, les migrants se sont précipités
pour être servis, formant un attroupement où ceux qui se trouvaient au
premier rang empêchaient ceux qui étaient restés derrière de recevoir
leur part. C’est à ce moment que les policiers – bien qu’ils n’aient pas
tous reçu une formation de bénévole – ont pris l’excellente initiative
de « lancer » les sachets et les bouteilles par-dessus la tête de ceux
qui s’incrustaient au premier rang, pour que tout le monde puisse être
servi. Ce scénario peut être parfaitement suivi en visionnant la vidéo.
Ces scènes effectivement difficiles à regarder sont hélas familières à
tous ceux qui ont, à un titre ou à un autre, travaillé dans une
institution caritative. Il est lamentable de voir que « plusieurs
organisations humanitaires » les aient « dénoncées », on se demande
quelle expérience ces organisations peuvent bien avoir du travail
humanitaire d’urgence.
3. « L’entourloupe » des trains à destination de l’Autriche
Ici encore, la conclusion du Huffington Post est l’exact contraire de
ce qui s’est effectivement passé. Reprenons la chronologie des faits.
- Dans un premier temps, le gouvernement hongrois bloque en
effet aux migrants l’accès aux trains à destination de l’Autriche à
partir de la Gare de l’Est (Keleti) de Budapest, pour la bonne raison
qu’il n’existait aucune garantie que, tous en situation irrégulière, ils
soient autorisés par les autorités autrichiennes à pénétrer en Autriche
;
- Dans un second temps, ce blocage est levé afin de
rétablir la nécessaire fluidité du trafic ferroviaire, dans l’espoir que
les migrants, conscients du fait qu’ils ne pourront pas passer la
frontière, ne se précipiteront pas inconsidérément dans les trains ;
- Cet espoir est aussitôt déçu, car les migrants rassemblés
aux alentours de la gare montent sans discernement dans tous les trains
en direction de l’ouest, y compris ceux des lignes intérieures, « pourvu
qu’ils prennent la direction de l’ouest ». L’épisode relaté par le
Huffington Post a eu lieu dans un de ces trains, dont le terminus était
Sopron en Hongrie ;
- Une fois ce train parti en direction
de Sopron avec à son bord des centaines de migrants, le gouvernement
hongrois a décidé de l’arrêter en cours de route, à Bicske, où se trouve
précisément un centre d’accueil officiel des réfugiés, fournissant
gîte, couvert et assistance médicale. Les migrants ont été invités à
sortir du train et à rejoindre ce centre. Ils ont refusé, voulant à tout
prix « aller en Autriche », et ont « occupé » pendant plusieurs jours
la gare de Bicske. Ce n’est que bien plus tard, après que le
gouvernement hongrois a dû demander avec insistance aux autorités
autrichiennes, qui n’y manifestaient pas un empressement débordant, de
bien vouloir ouvrir leur frontière, que ces migrants ont pu poursuivre
leur route.
Ce simple rappel des faits tels qu’ils se sont produits
montre bien que l’on est loin d’une « entourloupe du gouvernement, de la
police et de la compagnie ferroviaire », et il est regrettable que le
Huffington Post prenne pour argent comptant les « suppositions » d’un
bénévole dont le travail mérite certainement tout notre respect mais qui
n’a manifestement rien compris à la situation.
4. Les pleins pouvoirs à l’armée
Il est exact que l’armée a été déployée pour prêter main-forte aux
services de police dans la sécurisation de la frontière. Le terme «
pleins pouvoirs » est toutefois exagéré et dramatise inutilement. Ce
genre de mesure n’est pas inhabituel, l’armée est souvent déployée pour
aider à la gestion de situations d’exception (inondations ou autres) et
d’ailleurs d’autres pays, tels que l’Autriche, ont fait de même à leur
propre frontière. Ce déploiement se fait dans le strict respect de la
loi et des conventions internationales. Le Huffington Post prend
d’ailleurs fort justement le soin de préciser qu’il ne saurait être fait
usage d’armes à feu. L’ONG Comité d’Helsinki est évidemment dans son
rôle en déplorant les mesures d’exception qui ont été décidées – face,
il faut le reconnaître, à une situation elle-même exceptionnelle – mais
il est important de souligner que la Hongrie ne considère pas les
réfugiés comme des ennemis, elle souhaite simplement qu’ils aient
l’obligeance de se soumettre de bonne grâce – c’est bien le moins qu’on
peut leur demander – aux formalités d’accueil du pays dans lequel ils
pénètrent, formalités imposées par les conventions européennes et qu’ils
n’hésitent pas à contester de plus en plus violemment depuis qu’ils
estiment – à tort ou à raison – qu’ils seront tous accueillis à bras
ouverts en Allemagne où le lait et le miel couleront à flots pour eux.
5. Le refus des quotas
Pour qu’il y ait « marginalisation », il faut qu’il y ait un texte
principal. Et si certains estiment que ce texte principal n’est pas bon,
ils doivent avoir le droit de le dire. Sur un sujet aussi grave que
celui-là, l’expression de la diversité européenne est inévitable, et
même salutaire. Dire, comme Federica Mogherini et bien d’autres, que «
ces divisions sapent la crédibilité de l’Union européenne » témoigne
d’une regrettable méconnaissance des conditions de « l’Europe forte »
que tout le monde appelle de ses vœux. L’Europe sera forte quand elle
aura le courage, face au monde, d’assumer sa diversité – comment
pourrait-il en être autrement dans une Union rassemblant 28 pays au vécu
tellement différent ? –, au lieu de se réfugier, tel un village
Potemkine, derrière une unanimité de façade qui, de toute façon, ne
tromperait personne et que personne ne peut exiger de nous.
La
position hongroise face aux quotas est empreinte de logique et de bon
sens. L’avenir proche nous dira qui aura eu raison et qui aura été
marginalisé. Nous avons exposé notre point de vue, nous avons été mis en
minorité lors du vote, nous acceptons la décision de la majorité et
nous nous y conformerons. Ce faisant, nous estimons respecter les règles
de la démocratie qui sont une incontestable valeur européenne.
Georges Károlyi
Ambassadeur de Hongrie
samedi 26 septembre 2015
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