Chercheur indépendant, résidant à Budapest depuis 1986, Bob Dent est
l’auteur de plusieurs ouvrages sur la Hongrie en général et sur
Budapest en particulier. Le plus récent étudie les rapports entre art et
politique pendant la courte République soviétique hongroise de 1919.
L’auteur présente son travail dans cet entretien réalisé et traduit de
l’anglais par Sophie Coudray.
"CT: Dans votre livre Painting the Town Red. Politics and the Arts During the 1919 Hungarian Soviet Republic
(Pluto Press, 2018), vous revenez sur l’histoire peu connue du
développement artistique et politique pendant la courte « Commune » de
Hongrie. Est-ce seulement la dimension artistique de cette République
soviétique qui est méconnue ou son histoire globale ? Comment
expliquez-vous une telle méconnaissance — bien que cette période ait été
marquée par une grande effervescence artistique ?
Bob Dent (BD) : Non, je ne dirais pas que l’histoire de la République
soviétique hongroise de 1919 a été ignorée ou méconnue dans sa
globalité, certainement pas en Hongrie, quoique davantage à certaines
époques qu’à d’autres. Ceci étant dit, en dehors de la Hongrie, peu
d’attention a été portée aux événements hongrois de 1919 — en dépit de
leur caractère spectaculaire, comparable d’une certaine façon à ce qui
est arrivé en Russie en 1917-2018 et au-delà. (Je me réfère ici au monde
anglophone). Les raisons sont possiblement doubles. Tant de choses se
produisaient ailleurs au lendemain de la Première Guerre mondiale, que
la très courte « expérience bolchevique » hongroise de 1919 – qui n’a
duré que 133 jours – a été négligée. Sans doute la difficulté
linguistique a-t-elle aussi été un facteur. Le hongrois n’est pas une
langue slave, pas plus qu’elle n’est construite à partir du latin ni
qu’elle appartient à la famille linguistique indo-européenne. Combien
d’historiens non hongrois connaissaient suffisamment le hongrois pour
que des recherches soient rendues possibles ?
Lorsque la période révolutionnaire hongroise de 1919 est évoquée, la
focale est presque systématiquement mise sur la situation internationale
et la position instable du pays. La Hongrie se trouvait du côté des
perdants de la Première Guerre mondiale et était soumise, en 1919, à des
pressions – notamment militaires, particulièrement de la part des
forces roumaines et tchécoslovaques – menaçant l’intégrité territoriale
du pays. (La menace est devenue réalité et a été scellée par le Traité
du Trianon de 1920, l’un des traités du processus de paix de Versailles
après 1918.) À l’époque, c’était la position de la Hongrie dans la
situation internationale qui semblait primer, et ce point de vue a
perduré." La suite sur contretemps.eu
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