Plusieurs
personnes m’ont fait remarquer que si la « vieille dame » de mon billet de septembre se souvenait d’une enfance heureuse
pourtant
misérable,
c’est… parce que c’était son enfance. Se sentait-elle heureuse
sur le moment ? Le passé s’entoure-t-il toujours d’un halo
rose — et la jeunesse se suffit-elle d’elle-même pour créer le
bonheur ? Peut-on être heureux à retardement, peut-on se
souvenir
heureux en niant
une réalité collée au moment et
en excluant l’invasion du présent ? Moi, qui mâchouille
inlassablement mon passé comme un chewing-gum indestructible, je
n’ai pas d’avis, ou plutôt j’en ai, mais plusieurs, divers,
complexes voire confus, sans forme ni
consistance,
comme ce même chewing-gum. « Le passé est un pays étranger ;
les choses y sont différentes ». C’est avec cette phrase que
débute le magnifique film de Joseph Losey, Le
Messager.
Quant
à mon billet d’octobre consacré aux lettres de Simone de Beauvoir à son
amant américain Nelson Algren,
j’ai quelque chose à rajouter : les correspondances et les
journaux intimes, les vrais, pas les réécrits-trafiqués sont les
seuls livres qui s’écrivent sous nos yeux, où le lecteur découvre
l’intrigue, les événements en même temps que les auteurs qui,
eux, en écrivant, ignorent encore tout du dénouement. Voire :
je peux connaître la fin de l’histoire, l’arrivée, pendant que
les protagonistes sont encore en train de gravir les marches du
temps.
Par
ailleurs, ce billet a
provoqué un grand nombre de réactions, prouvant que le personnage
est toujours au devant de la scène, qu’elle a marqué et son
époque et nous, de la classe suivante, que nous sommes vraiment « de
la génération Sartre-Beauvoir-Camus ». Des amies
parlent d’elles-mêmes. Certaines
se disent flouées par l’« icône S. de B. ». « On
peut reconsidérer cette Grande Dame sous un aspect plus charnel, une
vraie femme, prête à se livrer pieds et poings liés à son homme.
Mais on peut aussi ressentir une certaine amertume, celle d'avoir été
flouées, trompées par une Icône, championne du féminisme qu'on
imagine mal en train de prendre du plaisir à faire la cuisine et la
lessive pour un homme qui lui inspire l'envie de surcroît de se
marier, elle la Femme Libre et Libérée par excellence. » Une
autre : « Quand
même, cette femme qui nous a bassinées avec sa liberté d’aimer,
de ne pas avoir d’attaches, de vivre ce qu’elle voulait... et qui
après tout était comme nous toutes ! Amoureuse, voulant repasser
les chemises de “son homme”, n’ayant qu’une envie celle de
s’envoyer en l’air le plus souvent possible avec lui… Bref, je
me suis sentie flouée !!! » D’autres
ne sont ni choquées ni révoltées : « Pour
moi, elle incarnait l'idée d'une liberté à conquérir.
Son
emprise comme icône sur ma conscience féminine était faible. Je
n'ai jamais partagé les revendications d'un féminisme militant.
J'ai retenu de ses écrits le cheminement d'une femme
vers son émancipation
; mais l'émancipation était pour moi par définition
individuelle. L'opinion publique féministe a porté Simone aux
nues, et elle a jeté à la poubelle Hannah Arendt... Avec du recul,
je constate combien elles étaient pleinement femmes, comme nous,
juste un peu plus intelligentes. Simone, une femme engagée, debout,
aux côtés d'un homme qui se mêlait des grandes affaires
de ce monde... à quoi aspirait-elle en son for intérieur ? à
vivre pleinement sa féminité, être femme et écrivaine. C'est un
bel exploit - à mes yeux. »
Quelques
amis m’ont
rappelé le passé érotique trouble de Simone : « Certes
cette passion amoureuse nous ravit et redore notre image de SDB
quelque peu ternie par les révélations sur sa conduite un tant soit
peu perverse envers des adolescentes qu'elle séduisait pour les
envoyer à Sartre. » Ou son passé politique, tout aussi
erratique : « Cela m'a procuré un véritable dégoût car
j'ai retrouvé le double discours des opportunistes politiques. »
Un
grand merci à mes lectrices et lecteurs.
*
Auto-pub
Je viens d'écrire un polar sans prétentions, tout simplement génial, Cadavres noirs sur fond rouge. Au centre de ce roman noir se trouvent l’œuvre et le destin tragique du peintre Kazimir Malevitch, auteur du célèbre Carré noir sur fond blanc (1915), né à Kiev, Ukraine, en 1879, et mort misérablement à Leningrad, Union soviétique, en 1935. Nous sommes dans l’épaisseur de la vie, « une histoire racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien ». Cette phrase est de Shakespeare et non pas du commissaire de police Liotard qui a encore beaucoup à apprendre. Sur l’art, la littérature… et sur la vie, précisément. Ce modeste petit chef-d'œuvre (immortel) a été publié par Cohen&Cohen éditeurs à Paris (diffusion Interforum) dans la collection ArtNoir. Il est en vente dans toutes les bonnes librairies ou sur le site de l'éditeur http://www.cohen-cohen.fr/#!boutique/c14df ou encore sur Internet si vous ne pouvez vraiment pas faire autrement…
adam biro
novembre 2014
biroadam4(AT)gmail.com
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