Les terres hongroises, les mots magyars inspirent les poétesses. Anne tisse ses mots fort joliment, à mon goût. Voici ceux qu'elle nous offre aujourd'hui.
Szerda, január 30.
12.Lumières.
Enfin, le long des rails, je t’aperçois et je retiens mon souffle car le miracle est là : l’horizon se fait nappe-velours ourlée de mille teintes, brume étincelante de douceur, sillons d’automne aux vapeurs ocre-parme. Les bosquets se blottissent sous les feux de l’orient, ondulent comme troupeaux fumants, lumière orange !
Je te bois, cascade de couleurs, comme au premier matin, et tes feuillages clairs défilent contre mon cœur. Rangée après rangée, gorgée après gorgée voici les champs grisés, illuminés, profonds à force d’être beaux. Je vois d’un trait les longs rubans de terre et les meules posées par la main de tes hommes, lumière d’or !
Quand passe la frontière, peu à peu, de voiture en compartiment, s’éveille le sourire : l’enfant qui joue avec sa mère, avec son frère, à petits sauts de puces, gaiment, bruyamment, tendrement, le voisin donne la main : voici ton naturel, la douce gentillesse sans apprêt, sans lourdeur : lueur de l’arrivée à ton quai sans effets, lumière grise !
Et là, c’est la malice d’un jeune : billet de l’internet non agréé par certains des képis, échange de forints, premiers mots déposés dans ma besace neuve, première main tendue pour trouver mon chemin. Bonjour « nagymama », j’aurais bien volontiers frappé à ton carreau, ton « unoka » est le premier oiseau craintif qui accompagne mes pas : frontières obligent, lumière irise.
Plus tard, cheminement du soir : les maisons sont repues du travail du jour et s’éteignent lentement aux allées qui éclosent. Les portes s’éclairent, les portes claquent la porte aux téléphones, les portes dorment, les portes défendent qu’on les aborde, les portes oublient le temps et se délitent auprès des vieux vergers, les portes se découpent au chalumeau du couchant, les portes font le gros dos, les portes gardent tous leurs mystères, les portes grincent à force de se taire, les portes chantent en courant d’air : le quartier est désert. Une à une, elles se sont refermées, une à une les lumières sont nées, clignements de milliers de regards : quartier -lumière.
Sous l’arceau de la brume, au secret d’une rue, je retrouve une clef, clef de sol, clef de fa, clef de là où je marche : serais-je déjà chez moi ? Les arbres se font arche et bercent dans leurs voûtes les oiseaux nichés là, douce plénitude.
Csütörtök, január 31.
Quelques pas à l’écart et voici ta nuit, enveloppe d’émerveille au silence pourpre, étonnant. Là, tout près, à toucher le ciel clair, la ville se tait et scintille à portée de la main, mais si loin..
Tu me coupes le souffle, colline de banlieue, où nichent des myriades d’étoiles, des petits mondes en marche dans chaque rue discrète.
A mes pieds l’herbe dort pour mieux porter les rêves que m’envoient ta lumière, la nuit chante pour moi chaque arrivée, chaque retour : cantate ébouriffée venue du fond des astres pour me baigner les pieds, respiration de nuit, bonheur.
Anne Fénié
samedi 1 mars 2008
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