mardi 1 décembre 2015

UN DERNIER POUR LA ROUTE par Adam Biro

Photo n° 6 d’un voyage aux États-Unis, avril
2015. (Monterey, Californie)
     Nous apprenons que Mein Kampf tombera dans le domaine public en janvier 2016 et des éditeurs parmi lesquels la maison Fayard s’apprêtent à le publier. (Fayard, qui n’appartenait pas encore au groupe Hachette, a édité, en 1942, Ma doctrine d’adolf hitler.)
     L’argument avancé pour justifier cette publication se veut honorable. Il ne l’est pas. On nous assure que l’ouvrage sera pourvu d’une préface et d’un appareil de notes pour le lecteur non averti. Il s’agira de permettre en même temps aux chercheurs d’avoir un document de première importance sous la main.
     En vérité, il ne s’agit que de vendre. Il s’agit de faire de l’argent. Un vrai historien ne lit pas une traduction ; il lit le texte original. Et il n’a pas besoin de l’appareil critique « grand public ». De surcroît, ce livre, publié par les Nouvelles éditions latines, se trouve depuis longtemps dans les bibliothèques et elle est en ligne. Maintenant, grâce au battage médiatique, des dizaines de milliers de lecteurs vont se jeter sur cette publication, des lecteurs qui n’ont rien à faire des notes. Désormais il suffira d’entrer dans une librairie et d’acheter Mein Kampf aussi simplement que… céline ou paul morand.
     Mise à la disposition du grand public d’un document historique ? Alors attendons-nous, dans le vaste mouvement de banalisation du nazisme commencé il y a une vingtaine d’années, à la création chez Fayard ou chez un autre éditeur, un grand éditeur, de la collection « Écrits nazis » ou « Le best off des textes du IIIe Reich », puisqu’« ils » ont tous écrit, des livres et des discours, le docteur goebbels, himmler et même le reichsmarschall goering. Et l’on attend impatiemment une réédition dans la collection « Le petit fasciste de poche », de la France juive de drumont, du Protocole des sages de Sion et d’un choix de textes racistes sur les Roms, les Noirs et les Asiatiques, avant le lancement des « Meilleurs textes de l’État islamique », tous les volumes dûment pourvus d’une préface idéologique politiquement (ou politique idéologiquement) archi-correcte par un ministre, d’une postface pédagogique politiquement super-correcte par un inspecteur d’académie et de notes. Messieurs les éditeurs « scientifiques », ne craignez rien, personne ne lira les préfaces, les postfaces et les notes, et n’hésitez plus, le papier est patient et les actionnaires sont impatients. Et une partie des bénéfices pourrait être reversée à des associations luttant contre l’oubli, le racisme ou l’exclusion et pour l’amitié entre les peuples et les religions. C’est déductible des impôts.

 *
     Encore de l’argent.
     Assis sur un banc dans le port d’une île grecque, nous observons les préparatifs d’un pêcheur pour sortir en mer avec son petit bateau. Il met plus d’une heure à vider l’eau laissée par la pluie de la nuit dernière, à nettoyer l’embarcation et les filets, à installer la quille et à mettre le moteur en marche.
Nous le regardons s’éloigner, en pensant à tout ce qu’il doit connaître, le fonctionnement du bateau, la mer et ses courants, la topographie des lieux, les espèces de poissons, leurs mouvements et leurs habitudes, les vents et le climat… Puis le conditionnement, les marchés, les prix… Pour gagner combien, à la fin de la journée, à la fin de l’année ? Comparé aux quatorze (14 !) millions d’euros qu’un chef d’entreprise français dont heureusement j’ai oublié le nom et qui ne sait pas le quart, que dis-je, le dixième de ce que connaît ce pêcheur a empochés pour aller d’une société à une autre, aux deux millions de francs suisses qu’un ancien footballeur qui, lui, ne doit rien connaître du tout, a touchés, légalement ou illégalement, peu importe, pour « donner des conseils » à un escroc…

 *
     Ce quarantième billet est le dernier. Par manque de temps et de disponibilité d’esprit, je dois suspendre pour au moins un an le plaisir d’écrire ces petits papiers — en remerciant sincèrement et chaleureusement les Mardis hongrois de les avoir abrités. En effet, je me suis lancé dans la rédaction d’un gros dictionnaire, et l’éditeur attend mon manuscrit pour décembre 2016.
     Je souhaite à toutes et à tous, sincèrement, une TRÈSTRÈS bonne année.
     Et à bientôt.

     adam biro
     décembre 2015
     biroadam4(AT)gmail.com

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