vendredi 23 novembre 2012

Felcsút, 23 novembre

Ce jour là, une légère bruine et la fraîcheur automnale enveloppaient la campagne hongroise, un peu triste en cette saison. Les maisons, alignées le long de la rue principale, Fő utca, l'une des trois ou quatre rues du village, celle qui le relie à Székesferhérvár, offraient au regard du visiteur, un aspect hermétique, comme si elles recelaient de lourds secrets derrière leurs murs épais. Tout autour, les champs à perte de vue.

Ce jour-là, c'était le 23ème jour du mois de novembre. Comme aujourd'hui, c'était un vendredi. C'était il y a 106 ans. François-Joseph, empereur d'Autriche et roi de Hongrie régnait encore. Il lui restait dix ans à vivre. Il avait 76 ans.

Ai-je précisé le nom de ce village ? Felcsút.
1788 habitants disent les statistiques aujourd'hui, 51 % de catholiques, 1 % de grecs-catholiques, 27 % de réformés, 1 % d'évangéliques et 8 % sans religion.
Et combien d'habitants en 1906 ? Et combien de juifs ? Ces derniers sont partis ou ont été déportés. Les statistiques n'en disent plus rien. Les sans-religions n'existaient pas encore en 1906 c'est certain. Chacun était tenu d'avoir une religion. Elle était même indiquée dans les pièces d'identité.

Ce jour-là, il y a 106 ans, à Felcsút, une enfant naquit. On lui donna le nom d'Ilona. Le premier enfant d'un couple modeste. Lui était tailleur. Elle, la mère, comme toutes les femmes de cette époque, portait la charge du foyer. Deux garçons allaient suivre à quelques années d'intervalle, József et Lajos. Ce dernier fut emporté par la diphtérie avant d'atteindre l'adolescence. József, quant à lui, parcourra le monde, l'Algérie, pas encore indépendante, puis Paris, le Brésil...
Ilona était une belle petite fille, vigoureuse, éveillée. Elle commença à fréquenter l'école réformée du village où ses résultats scolaires étaient excellents. Malgré ses capacités remarquables, et l'avis de son institutrice, elle dut interrompre ses études à 16 ans. Elle devait aider à subvenir aux besoins de la famille.

Huit ans après sa naissance, son père fut mobilisé pour la première guerre mondiale. Sa mère mourut la même année en refusant d'offrir un quatrième enfant en pâture aux barbaries du siècle. Sans doute fut-elle la victime d'une « faiseuse d'anges », des préjugés et surtout des lois de son temps. A huit ans, Ilona n'avait plus sa mère et son père parti au front, ce furent les grands-parents qui l'accueillirent.
A la fin de la guerre, le père d'Ilona se remaria et toute la famille s'installa à Budapest.

A quoi ressemblait Felcsút, dans ces années là ? Je n'en sais rien. Sans doute un village en rien remarquable.

Un service de chemin de fer qui n'existe plus aujourd’hui, avait commencé à desservir le village depuis le 23 novembre 1898, amusante concordance de dates. Les maisons n'étaient pas équipées de l'électricité. On s'éclairait avec quoi ? Des lampes à pétrole, à alcool, des bougies peut-être ou je ne sais quoi.
Une mairie fut octroyée à la commune en 1906.

Pourquoi, je vous parle de cela ?
Parce que Felcsút est un nom que j'inscris quelques fois sur des formulaires administratifs demandant le lieu de naissance de ma mère. Et Felcsút défraie la chronique ces jours-ci dans la presse hongroise et même française à propos d'une controverse sur l'attribution de terres arables. Et sans Felcsút, il y a 106 ans, personne n'évoquerait, ici et aujourd’hui, ces faits somme toute banals.

Un lecteur du Blog des Mardis hongrois.

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