vendredi 18 avril 2014

Mauvais œil par Flora

Je ne suis pas à une contradiction près... Plutôt cartésienne, j'aime sentir des fondements solides, si possible appuyés sur des arguments scientifiques, sous mes pieds. Les sables mouvants ésotériques, à base de ressentis obscurs, les superstitions de toute nature qui ont bercé mon enfance, très peu pour moi - dit la raison pure. Cependant...
Parfois, une sorte de fatalisme s'empare de moi, dès que la raison baisse la garde. Est-ce l'atavisme hérité de ma grand-mère: les quinze premiers jours de ma vie, elle s'opposait à ce qu'on me sorte dans la rue afin d'empêcher qu'un mauvais œil se pose sur moi... Elle connaissait des méthodes antiques pour parer aux malédictions, aux sorts jetés aux bêtes et aux humains. Je dois préciser qu'en bonne chrétienne, elle même n'a jamais pratiqué ce genre de magie noire!...
Ma mère souriait à ces sortilèges. Je n'y croyais pas non plus et je poussais l'audace jusqu'à passer sous les échelles ou à croiser le chemin d'un chat noir, sans faire le détour. Cependant, je ne manquais jamais d'arracher un poil de la brosse-hérisson d'un ramoneur et de l'enrouler autour d'un bouton de ma veste - on ne sait jamais! Ni de taper trois fois sur du bois avec le majeur afin de conjurer le mauvais sort... Une sorte de réflexe ancestral.
Ces derniers temps, l'atavisme semble me rattraper. Ma pièce de théâtre pour trois personnages féminins a pris un bon départ: elles se rencontrent dans un endroit incertain, inhospitalier mais l'analogie sartrienne s'arrête là. Toujours est-il qu'elles sont bel et bien mortes, la porte n'a pas de poignée à l'intérieur. Petit à petit, elles se rendent compte que c'est pour l'éternité et qu'elles auront amplement le temps de faire connaissance, ce qui réserve pas mal de surprises pour tout le monde.
Depuis que j'ai trouvé la situation absurde du départ qui rend possible leur rencontre, deux de mes futures comédiennes sont tombées gravement malades, jusqu'à mettre leur vie en danger. Afin de préserver la troisième, encore en bonne santé, j'ai stoppé d'urgence l'écriture de la pièce...
Rozsa Millet

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