Je
ne suis pas à une contradiction près... Plutôt cartésienne, j'aime
sentir des fondements solides, si possible appuyés sur des arguments
scientifiques, sous mes pieds. Les sables mouvants ésotériques, à base
de ressentis obscurs, les superstitions de toute nature qui ont bercé
mon enfance, très peu pour moi - dit la raison pure. Cependant...
Parfois,
une sorte de fatalisme s'empare de moi, dès que la raison baisse la
garde. Est-ce l'atavisme hérité de ma grand-mère: les quinze premiers
jours de ma vie, elle s'opposait à ce qu'on me sorte dans la rue afin
d'empêcher qu'un mauvais œil se pose sur moi... Elle connaissait des
méthodes antiques pour parer aux malédictions, aux sorts jetés aux bêtes
et aux humains. Je dois préciser qu'en bonne chrétienne, elle même n'a
jamais pratiqué ce genre de magie noire!...
Ma
mère souriait à ces sortilèges. Je n'y croyais pas non plus et je
poussais l'audace jusqu'à passer sous les échelles ou à croiser le
chemin d'un chat noir, sans faire le détour. Cependant, je ne manquais
jamais d'arracher un poil de la brosse-hérisson d'un ramoneur et de
l'enrouler autour d'un bouton de ma veste - on ne sait jamais! Ni de
taper trois fois sur du bois avec le majeur afin de conjurer le mauvais
sort... Une sorte de réflexe ancestral.
Ces
derniers temps, l'atavisme semble me rattraper. Ma pièce de théâtre
pour trois personnages féminins a pris un bon départ: elles se
rencontrent dans un endroit incertain, inhospitalier mais l'analogie
sartrienne s'arrête là. Toujours est-il qu'elles sont bel et bien
mortes, la porte n'a pas de poignée à l'intérieur. Petit à petit, elles
se rendent compte que c'est pour l'éternité et qu'elles auront amplement
le temps de faire connaissance, ce qui réserve pas mal de surprises
pour tout le monde.
Depuis
que j'ai trouvé la situation absurde du départ qui rend possible leur
rencontre, deux de mes futures comédiennes sont tombées gravement
malades, jusqu'à mettre leur vie en danger. Afin de préserver la
troisième, encore en bonne santé, j'ai stoppé d'urgence l'écriture de la
pièce...
Rozsa Millet
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