Je
suis embarrassée, mal à l'aise. En proie à un haut-le-coeur. Une amie,
ancienne camarade du lycée, vient de m'envoyer un diaporama. Ce n'est
pas la première fois que je reçois semblable série, exaltant la grandeur
méconnue du peuple hongrois, unique en son genre.
A en croire aux commentaires, nous aurions inventé la poudre !
Quelques exemples parmi d'autres dont certains frisent l'absurde :
- Au 9e siècle (date de l'arrivée des Hongrois au bassin des Carpates), en Europe, il n'existait que l'écriture gréco-romaine, alors que les Hongrois possédaient la leur depuis 1700 ans
- L'Europe nous doit le pantalon (nadrág), la veste (zakó), le soulier à talon
- Nous avons importé avec nous en Europe une faune et une flore variées
- Nous connaissions la tulipe depuis 3000 ans, alors que la Hollande, considérée injustement comme le pays de la tulipe, ne la connaît que depuis 400 ans...
- Les terres européennes sont épuisées, alors que nous avons gardé nos méthodes d'irrigation et de rotation des cultures. Voici la véritable raison pour laquelle l'UE est venue nous chercher!
- Notre langue est la seule à avoir gardé sa grammaire et son vocabulaire intacts, à pouvoir lire "Ómagyar Mária siralom" (premier texte conservé en hongrois)... sans problème, alors que les Anglais n'arrivent même plus à lire Shakespeare sans dictionnaireEt pour finir, la conclusion qui dévoile les arrières-pensées politiques de cette propagande primitive:
«
Si l'on était plus conscients de tout cela (c'est-à-dire la véritable
grandeur de notre peuple et son passé glorieux), on errerait moins entre
les pièges économiques, juridiques et culturels, tendus par Bruxelles !
»
Je
suis embarrassée, irritée et plutôt attristée. Qui peut être réceptif à
cette bouillie cherchant à toucher la corde sensible, n'hésitant pas à
affirmer des contre-vérités, en effectuant la petite torsion nécessaire
aux faits ? Méthode assez grossière mais qui peut s'avérer efficace chez
les gens vulnérables, humiliés et abandonnés par tous.
Les petits peuples
éprouvent souvent un genre de complexe d'infériorité et ils compensent
le sentiment de faiblesse d'influence et de manque de puissance par le
repli sur un passé (plus ou moins artificiellement) glorifié. Les
peuples devenus petits,
ayant été spoliés d'une bonne partie de leurs territoires... Ils
ressentent encore longtemps cette douleur fantôme, bien connue des
amputés.
Moi
aussi, j'aimerais être fière de mon pays d'origine. J'aimerais pouvoir
conserver l'héritage d'un peuple original, courageux et accueillant et
non pas ce que certains voudraient en faire : haineux, replié sur une
gloire en partie imaginaire et qui a besoin de rabaisser l'autre pour se
sentir grand !
Dans
le concert des peuples de l'Europe, on n'a pas besoin de chercher
querelle à tous, pour se sentir unique ! Ne serait-ce pas plutôt par son
talent, par son intelligence, par sa persévérance pour le bien de tous
que l'on doit s'affirmer ?
Rózsa Tatár
Rozsa Millet
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