Enseignement.
Le niveau d’instruction des Tsiganes en Hongrie est fortement en dessous du niveau général. Près de 85% d’entre eux ont tout au plus 8 ans de scolarité, alors que ce ratio est de 36,5% pour
l'ensemble de la nation, donc la sur-représentation des Tsiganes dans cette catégorie est plus que double. Plus de 20% des habitants ont une qualification d’ouvriers qualifiés, alors que cette
proportion n'est que de 12,4% parmi les Tsiganes. Le plus dramatique est le nombre des bacheliers, face à la proportion de 40% nationale, 3,1% seulement des Tsiganes a une instruction de niveau secondaire (la disproportion dans ce cas atteint plus de dix fois). C’est grâce aux travaux de Pierre Bourdieu que nous savons que le terrain de la reproduction des inégalités sociales est l’école. Les recherches internationales démontrent que le système d’éducation hongrois est le fer de lance de la reproduction de ces situations sociales.
Dés l’arrivée en plus grand nombre des élèves tsiganes dans l’enseignement secondaire, le système d’éducation s’est positionné dans une attitude défensive. (Il est intéressant de noter que les enseignants se trouvaient devant la même problématique que leurs prédécesseurs au milieu et à la fin du XIXe siècle devant assumer l’enseignement des enfants des paysans pauvres que l’on avait forcé à fréquenter les écoles populaires - il les recevaient avec la même réticence. L’intégration de ces enfants s’est accomplie toutefois en l'espace environ d'une génération). Dans les premiers temps suivant la Seconde Guerre mondiale la réponse fut dans l’enseignement séparé, la création des classes et écoles de Tsiganes. Au début des années 80 les intellectuels ont pris unanimement position contre l’enseignement séparé, signifiant également un niveau faible dans la pratique. À ce moment la liquidation des écoles tsiganes a vu se développer l’augmentation du nombre des enfants qualifiés d'handicapés. L’enseignement général avait trouvé un détour en résistant à l’enseignement intégrationniste. La solution a produit des insuffisances graves, incorrigibles à ce jour. Le niveau des écoles de rattrapage est nettement inférieur à celui des enseignements de base généraux, et de là il n' y a pas d’issue. C’est le cul de sac le plus dangereux, d’où il n’y a pas de retour, le retard est irrattrapable. Dans les années qui ont suivi le changement de régime il y a eu quelques expérimentations pour diminuer les inégalités de ce système. Cette première période est à caractériser en tant que «resserrement des rangs des Tsiganes ». La base idéologique de ces actions est de lier les insuffisances à l’ethnie, c’est-à-dire, ce n’est pas aux mauvais élèves qu’il veut faire resserrer les rangs, mais aux enfants tsiganes. De ce fait il reste insensible au cas d’élèves non-tsiganes faibles et aussi aux bons scolaires Tsiganes. Le pire n'était pas dans l’approche mais dans la réalisation. Cela a donné l’occasion qu’au titre de mise à niveau, on a mis les enfants tsiganes de nouveau à l’écart pour leur donner des leçons de rattrapage, pendant que par exemple les enfants non-tsiganes suivaient des leçons de langues de qualité - à la charge des normes de remise à niveau. C’est à cette pratique et cette conception qu'a voulu pallier, durant ces huit dernières années, le programme de la politique d’enseignement des enfants en difficulté. Il a clarifié dans sa conception que les insuffisances scolaires ne sont pas de nature ethnique mais structurelle, ce n'est pas l'appartenance ethnique qui en est cause mais c'est tout d’abord la situation matérielle des parents et leur niveau scolaire qui influencent les résultats des enfants. Au cours de leur réalisation les dispositions liées à cette conception ont rencontré la résistance des écoles, des pédagogues, des pouvoirs locaux et souvent des parents non-Tsiganes jusqu’à nos jours.
Intégration, Intégration, intégration
Si nous considérons les interactions et les liens des problématiques évoquées ci-dessus, il se dessine un cercle vicieux, par lequel la société hongroise précipite une partie d'elle-même facilement définissable sur une base sociale, éducative et territoriale, dans des situations de plus en plus difficiles, et accentuant de plus en plus l’exclusion sur la base de problèmes structurels ethnicisés dans un espace symbolique. Dans cette situation, dans la conscience générale apparaissent des pensées de plus en plus excluantes, exigeant la séparation des Tsiganes autant sur le plan territorial, que scolaire, et ces idées entrent de plus en plus fréquemment dans la pratique concrète, ce qui aggrave la situation. Les mesures prises par les pouvoirs municipaux sont fréquentes dont le but est la mise à l’écart de la population stigmatisée, sans finalité de traiter les questions structurelles et en plaçant par la contrainte cette population dans des situations contraires à ses intérêts et ses intentions. Et de plus en plus fréquemment, apparaissent en politique des pensées et exigences lesquelles criminalisent les problèmes venant des situations sociales et pressent les gouvernants qu’au lieu de dispositions sociales sur certains terrains, ils prennent des mesures punitives. Cela précipite la tsiganité dans une situation d’où il devient impossible de sortir.
Cela forme un double cercle vicieux, lequel ne peut se traiter que par une réflexion comprenant tous les territoires de manière cohérente et en prenant comme but l’intégration en lieu et place de cette pensée sectorisée, avec des programmes déterminés localement d’une manière complexe. Les dispositions de bonnes intentions des décennies passées ont montré comme enseignement leurs glissements. Il est temps de tirer les enseignements des erreurs et sans se déresponsabiliser prendre enfin les problèmes à la racine. Il est clair que sans une intention politique déterminée cela ne fonctionnera pas. Chaque disposition qui va à l’encontre de l’intégration constitue un danger de mort de nos jours. Il n’y a plus de place pour les expériences, il n’y a pas de possibilité pour des faux-pas et l'escamotage invisible des ressources en mettant les échecs sur le dos des assistés.
C’est dans notre intérêt à tous de bâtir une société dans laquelle tout le monde a la même chance autant dans la scolarité que dans le travail, indépendamment du lieu de son habitation, du niveau scolaire de ses parents, et bien entendu de son appartenance ethnique.
Texte de Gábor Fleck traduit par Anna Stein et Jean-Pierre Frommer
dimanche 29 novembre 2009
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.