Adolf Engel de Jánosi : un destin exemplaire
Adolf Engel était conscient de ses devoirs. Toute sa vie et son activité en sont témoins. En sauvegardant son identité juive, il a énormément fait pour sa patrie de près et de loin, pour sa famille, pour ses employés et des personnes autour de lui.
Sa statue que sa famille a fait ériger après sa mort, oeuvre de Sàndor Abt, le sculpteur de l’entreprise Zsolnay, se trouve dans le jardin du musée de Komló. Elle a été démontée suite aux bouleversements successifs, après la Première Guerre mondiale, puis remise dans les années 20, ensuite en 1944 de nouveau enlevée et placée dans le garage des machines-outils de la mine, après 1945 on l’a redéposée à son emplacement originel, dans le jardin de l’école de la ville minière. En 1950 le directeur du cabinet du gouvernement ordonne sa démolition, et même sa refonte. Le fait que les mineurs de la mine de Kossuth aient caché la statue en hommage des dires de leurs pères et grand- pères concernant la personnalité d’Adolf Engel, malgré les incitations à la haine et les convulsions de l’histoire, en prenant de gros risques, démontre l’attachement à sa personne. La sculpture était restée emmurée jusqu’en 1954, jusqu'à la fondation du musée local, d’où en 1991 elle vint prendre sa place actuelle. Jozsef Kutnyánszky, le notaire du village écrit en 1957 avec angoisse : "Ni la sculpture, ni le personnage ne sont inconnus des anciens de Komló. Parmi nos lecteurs nombre sont ceux qui bravant l’interdit de l'instituteur avaient tiré la moustache de la statue avec leurs doigts frêles. L’époque des farces d’enfant est passée, le nom de la rue de jadis Adolf Engel de Jànosi est maintenant la rue Attila József. La magie du nom Engel se ternit, nous sommes de moins en moins nombreux à nous souvenir de lui, et nous sommes en bonne voie pour qu'il soit oublié dans tout Komló. Pourtant une génération avant le nom Engel et Komló étaient comme la prune et son noyau" (Calendrier de Komló,1957).
Cette crainte n’était pas sans fondement. Je tiens comme une bénédiction du sort d’avoir été mise en contact personnel en 2007 avec Anna Stein, l’arrière-arrière petite fille d’Adolf Engel de Jànosi puis avec son arrière petit-fils Péter Engel de Jánosi. C’est grâce à leur contribution que nous avons pu réunir les sources et les matériaux pour la publication de l’ouvrage « De Ma Vie » publié par les soins de l’édition Pro-Pannonia et que nous avons pu mettre en place l’exposition permanente « l’espace de souvenance Engel de Jánosi ». « La prune et son noyau » sont de nouveau réunis. Le nom d’Adolf Engel de Jánosi ne peut être oublié de nos jours non seulement par les habitants hongrois, allemands, mais aussi par une population devenue depuis encore plus colorée de Bulgares, Tsiganes, Grecs, Croates, Slovènes, Ukrainiens.
Depuis toujours j’aurais voulu en savoir plus sur cet homme, que la sculpture représentait, à qui Komló doit la création de l’exploitation industrielle des mines de charbon, qui fait partie de l’histoire de cette ville avec sa vie exemplaire. Son sens exceptionnel de l'économie et des affaires, ses connaissances l’ont formaté pour être un homme d'action et de décisions rapides. Il devint quelqu’un acceptant des sacrifices au service de l'intérêt commun, il devint l’homme d’affaire audacieux. Ce qu’il a réalisé dans la région de Komló n’est pas rien. Ferme modèle au hameau de Jánosi. Exploitation capitaliste des forêts. Ses hypothèses concernant l’existence d'un « trésor » dans la profondeur du sol, celui du charbon, suppositions confirmées par des recherches minières. Ouverture de puits (Adolf, La Chance, puits Glanzer). À partir de 1895 les forages de puits verticaux de 80m. Un an auparavant la connexion avec le « monde extérieur » par la mise en marche du chemin de fer. Il bâtit des logements pour les ouvriers, des routes, il fonde des écoles, et soutient leur fonctionnement, de même que celui de la paroisse de l’église catholique romaine. Il bâtit un château en 1900, pour ne mentionner que ses réalisations les plus importantes. Bien entendu avec la collaboration de ses fils Joseph et Gyula en prenant de l’âge.
La preuve de sa circonspection est qu'il fait appel à des spécialistes miniers allemands. Les premiers mineurs portent des noms allemands. Le travail minier crée un petit clivage parmi les habitants du village, puisque des logements se construisent près du puits Anna pour ceux qui travaillent à la mine. D'un côté les gens du village, de l'autre les gens de la mine. Les faiblesses humaines, les jalousies, les rancunes sont surmontées car pour les exploitants agricoles et les éleveurs des origines, ces travailleurs des mines de plus en plus nombreux représentent un marché intéressant. Jusqu’à 1907 les mines sont la propriété des Engel. C’est grâce à leur présence et à leurs entreprises qu’en 1910 le nombre des maisons s'élève à 199 et celui des habitants à 1513. Avec ceux qui viennent des alentours 1400 travailleurs vont dans les mines. Le nombre des habitants a triplé en trois décennies. Komló est devenu une agglomération de paysans et de mineurs en voie de capitalisation. L’activité d’Adolf Engel, de Jánosi a posé les fondements du développement futur de la première moitié du XXe siècle. Dans la sociographie de Komló de György Moldova , nous lisons : « Adolf Engel a laissé un bon souvenir parmi les mineurs. Certains prétendent qu’à son grand âge, il voulait donner tous ses biens à ses ouvriers». Ses connaissances, la nouvelle mentalité, l’ordre des valeurs, la réflexion, tels qu'ils apparaissent dans son autobiographie, ont apporté leurs résultats, entrainant la reconnaissance pour lui et pour sa famille, et pour son pays choisi, reçu par lui, et accepté dans la Monarchie-la Hongrie.
Cette patrie au cours du XIXe et XXe siècle a par moments reconnu (1867, 1928) et tantôt aboli l’égalité de droits des juifs. Le développement économique nécessitait du capital, de ce besoin résultaient des échanges momentanés, y compris des mariages mixtes. La partie déclassée, exclue du pouvoir politique et économique de la noblesse hongroise, la bourgeoisie allemande des villes voyaient dans les juifs la cause de leur situation désespérée. Cette aversion était facile à exploiter, et de cela a résulté la tragédie honteuse du XXe siècle, que très peu ont pu survivre. Tels les Allemands installés en Hongrie, les juifs aussi ont pu rechercher une issue dans leur religion. Dans cette religion « selon laquelle l’homme est le summum de la création, qui a le choix entre le bien et le mal. Ceux qui pratiquent s’efforcent de respecter les lois, des coutumes, et d’atteindre la perfection morale. Cette religion contient le respect de la vie de famille, des pères, des traditions, la fidélité, la franchise, la confiance dans le progrès, les efforts pour l’atteindre la loyauté envers le pays, la vocation, elle tient comme remarquable de ne pas juger la personne sur les signes extérieurs, mais sur ses actes. Adolf Engel de Jánosi a accompli les exigences de sa religion en tant que Hongrois juif citoyen, comme père, commerçant, industriel, entrepreneur, économiste, propriétaire terrien, accomplissant des actions sans contrepartie pour le bien commun, et surtout en tant qu’homme » (Zsuzsa Egri-Lechner).
Texte de Rózsa Jakab traduit par Anna Stein et Jean-Pierre Frommer
dimanche 22 novembre 2009
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