dimanche 22 novembre 2009

Rózsa Jakab : Vie nationale et ethnique à Komló (2/4)

La formation du concept de nation hongroise - l'exemple de Komló

La nation culturelle, l’Etat-nation, ont apporté des doutes politiques, ont fait surgir une multitude de complications, car durant des décennies l'ensemble des populations de nationalité autre que les Hongrois ont dépassé ceux-ci en nombre. Nous avons bien une communauté disposant de la langue hongroise, cependant – à mon avis - à ce jour il manque encore la cohésion dans le sens de la conscience nationale, ce qui implique et exige la connaissance historique du passé et du présent de la nation, des opinions, des idées, des sentiments et une vision globale claire et des orientations partagées.

Le XIXe siècle est, en Hongrie, également celui de la difficile création de l’Etat-nation "moderne" au sein de l’empire multi-ethnique face à l'oppression des Habsbourg. Le slogan de Kölcsey : «Patrie et progrès» devient par conséquent l'idée phare de l’époque des réformes, de celle de la révolution de libération, et même de l’époque du dualisme. Mais malheureusement seules les personnes les plus éclairées pouvaient reconnaître les défaillances et les erreurs de la conscience nationale, dont ils ont réussi à surmonter l'orgueil excessif. Et combien peu ils étaient! Pourtant, combien de personnes originaires d'autres nations ont donné leur vie pour la liberté hongroise! Étaient-ils membres de notre nation ? S'ils ne l'étaient pas par la langue, ils l'étaient par les actes, les sentiments et par leurs sacrifices. Les avons-nous remerciés, appréciés? Tantôt oui, tantôt non. Cependant c'étaient des patriotes, comme les patriotes hongrois contemporains.

Le patriotisme de notre concept national et de notre conscience nationale n'a de valeur, que tant qu'il défend le droit. Le nationalisme qui en découle en revanche nie le droit, et devient de l’intolérance, du mépris et de l'outrage contre ses propres minorités nationales. L’hostilité, les affrontements des uns avec les autres en est la conséquence, que les grandes puissances de toujours ont utilisé pour leurs intérêts.

Est ce que les événements nationaux et les idées évoquées ci-dessus ont touché la
municipalité la plus bariolée du comté de Baranya cette agglomération appelée Komló?

La réponse est oui. Le petit village, à peine survivant à l’époque des Turcs, doit son existence au dix-huitième siècle, sur l'initiative et l’orientation de Charles III, Marie-Thérèse et Joseph II à l'installation d'une population de colons allemands, à la recherche de ressources pour survivre, gens de métiers, d'une grande discipline de travail, ayant des habitudes très économes, venant de Rhénanie, Baden, Wurtemberg, de la région de la source du Danube, de la Souabe. Leur arrivée augmenta le nombre des habitants. Les souvenirs amers de leurs efforts, la lutte pour leur installation, l’expérience de leur intégration, ils les ont exprimés de la sorte:
« Erste war da nur Tod
Dann ist kommen Not,
Und nur das drittenmal Flott. »
Le sort de la première génération était la mort, celui de la deuxième la misère, et seule la troisième connut le bien-être.

Nous n’avons pas de réelles données dans les archives du recensement ordonné par Joseph II en 1784. Les villages environnants sont mentionnés ensemble. Cependant on voit que le nombre des propriétés possédées par les Allemands est inférieur à celui des habitants de souche. Nous rencontrons en 1793 les premières traces écrites de la présence des « svàb ».
Leurs descendants sont toujours présents à Komló, toujours portant les noms de leurs
ancêtres, exploitants des forêts, asséchant les eaux stagnantes. Ils produisaient du seigle, du tabac, des haricots, des pommes de terre, des choux, du raisin, des fruits. Ils élevaient des bovins pour la production du lait et des laitages. Ils étaient des artisans : vitriers, charpentiers, maçons, tonneliers, charrons, cordonniers. Nombre d’entre eux fut apiculteur. Leur apparition assurait la diversité des nourritures et des exploitations. Ils s’activaient dans des productions monnayables. Malgré leurs origines hétérogènes, ils tenaient à garder leur langue, leurs coutumes, leurs habits (portant des couleurs blanches, noires, grises, marron foncé, vert) et leur religion catholique ainsi que leurs chansons et leurs mets.
Les soirs d’hiver des voisines hongroises et allemandes filaient la laine ensemble, le chanvre, tricotaient des chaussettes, des bas, des chaussons (pacsker), des gants. Les hommes fabriquaient des couverts en bois, des râteaux, des fourches, des manches d’outils, des sabots.
Les habitants de souche et les nouveaux installés vivaient en paix. Ces derniers avaient un rôle important dans le développement de la région. Les plus doués de la troisième génération faisaient partie des strates les plus favorisées du village (par ex. les propriétaires des auberges Herbert et Don).

À la fin du XVIIe siècle dans près de 80 maisons presque 400 âmes vivaient à Komló. En 1828 il y en a 491. Après la pandémie de choléra qui a décimé la population, en 1831, le nombre des habitants a baissé à 415 (Joseph Kutnyánszky).
Venant des villages aux alentours d’autres ménages allemands s’installèrent, ainsi, de 14 au début du XIXe siècle leur nombre est passé à 45.
Dans l’année 1880 où, Adolf Engel, d’origine juive, établit le lien avec Komló, le nombre total des habitants hongrois et allemands confondus était de 417.

Les juifs, auxquels il appartenait, vivaient dans notre pays depuis des centaines d’années.
Nos gouvernants étaient tantôt tolérants, puis intolérants avec eux. Le texte qu’ils ont adressé pour leur émancipation à Joseph II, celui qui bâtissait son empire centralisé, est encore à ce jour poignant, et contient des pensées touchantes.
« Nous n’avons de pays nulle part ailleurs sur toute la terre, nous n’avons pas d’autres frères, que ceux avec lesquels nous vivons dans la même société, nous n’avons pas d’autres protections que les lois de notre patrie, nous n’avons pas d’autre refuges que les devoirs de l’humanité, selon lesquels l’homme a une dette inextinguible envers son prochain.»

Texte de Rózsa Jakab traduit par Anna Stein et Jean-Pierre Frommer

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