jeudi 5 juin 2014

Kati Horna au Musée du Jeu de Paume par Georgiana Colvile

Je tiens à vous signaler un événement important: l'exposition d'une photographe surréaliste hongroise remarquable, Kati Horna (1912, Budapest-2000, Mexico), au Jeu de Paume, du 3 juin au 21 septembre.
Née Katerine Deutsch, Kati Horna était la plus jeune des 3 filles d'un riche banquier juif de Budapest, Alejandro Deutsch et de sa femme Margarita. Enfant, elle a été témoin de terribles persécutions des Juifs et des Communistes par un gouvernement d'extrême droite en 1919. Adolescente , elle s'affirma comme disciple fervente du philosophe, écrivain et éditeur de gauche, Kassák, dont l'influence l'a marquée à vie. Elle a également découvert le surréalisme au Café Corona  à cette époque, où la jeunesse avant-garde de Budapest venait écouter Kassák. Ce dernier a fondé la revue Dokumentum, principalement consacrée à l'architecture du Bauhaus, à l'art constructiviste et à la littérature surréaliste. Un de ses plus grands amis, à partir du lycée, du même milieu juif et ayant la même idéologie de gauche, était un certain Endre Friedman, qui allait devenir le grand photographe de guerre Robert Capa. Ils se sont photographiés l'un l'autre et on retrouve le portrait de Capa jeune par Kati Deutsch (1933)  dans tous les livres sur lui.
1933, c'est l'année où Kati commença ses études de photographe, après un court voyage à Berlin. La mort de son père et la montée de l'Hitlérisme l'obligèrent à gagner sa vie et les portraits photographiques ont été son gagne-pain principal pendant toute sa vie d'adulte. Vers la fin de l'année, elles partit pour Paris avec le Rolleiflex que  sa mère lui avait offert. Elle travailla beaucoup à Paris, dont à une série sur les cafés, malgré la menace du fascisme qui planait sur l'Europe. Peu après, comme Capa et son amie co-photographe Gerda Taro, Kati devint une héroïne de la guerre civile d'Espagne, en tant que reporter-photographe. Elle travaillait surtout dans les villes, comme Madrid et Barcelone, où elle photographiait les pauvres et les petites gens, révélant  davantage leur courage et leur dignité que leur statut de victimes. C'est à Barcelone, en 1937, que Kati Deutsch rencontra son futur mari, le peintre et sculpteur andalou, José Horna.
 
En 1938, les Horna ont réussi à émigrer à New York, sous la protection de l'Ambassade du Mexique et là, grâce à la générosité de leurs co-réfugiés, le couple sans le sou a pu s'offrir une cabine sur un bateau en partance pour Veracruz, puis de là s'acheminer vers Mexico, où il leur fallait trouver du travail et un logement. Ils n'ont plus guère quitté la capitale mexicaine, où est née leur fille Norah. Ils ont été parmi les premiers à constituer le groupe mexicain de surréalistes européens en exil et furent vite rejoints, entre autres, par Remedios Varo et Benjamin Péret, Wolfgang Paalen, Alice Rahon et Eva Sulzer, Leonora Carrington, puis un autre photographe hongrois, Chiki Weisz, autrefois le meilleur ami de Capa à Budapest et qui épousa Leonora Carrington en 1946.

C'est à Kati Horna que nous devons presque toutes les photos du groupe surréaliste en exil à Mexico, dont toutes celles du mariage de Carrington et Weisz. Horna a aussi abondamment photographié les habitants de la capitale mexicaine, en particulier les plus humbles, comme elle l'avait fait à Budapest, à Paris et en Espagne. Son oeuvre n'est pas passée inaperçu, mais Horna refusait les expositions, disant que la pratique de son art lui prenait tout son temps et elle qu'elle n'en voyait pas l'utilité. Elle n'avait aucune ambition personnelle. Après le décès de sa mère en 2000, Norah Horna a découvert le trésor de son oeuvre, comme Antony Penrose avait fait pour celle de sa mère Lee Miller.

 En 2010, 4 ans après la mort de Kati Horna, une très belle exposition a été organisée en Angleterre, à Pallant House Gallery dans le Sussex et à la Sainsbury Centre for Visual Arts à Norwich, sur 3 amies surréalistes / Surreal Friends: Leonora Carrington, Remedios Varo et Kati Horna, ce qui a permis au public en dehors du Mexique de découvrir la photographe.

Aujourd'hui, nous avons l'immense chance de pouvoir voir une belle rétrospective de Kati Horna au Jeu de Paume pendant presque 4 mois! J'espère que vous y viendrez nombreux!

Georgiana Colvile

http://www.jeudepaume.org/

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