Par Pierre Waline
Il y a un an, le gouvernement hongrois, sous l’influence du
parti chrétien-démocrate membre de la coalition au pouvoir, avait fait
voter une loi imposant la fermeture des magasins le dimanche (grandes
surfaces, supérettes). Et ce, malgré un sondage qui révélait
l’impopularité d’une telle mesure.
Il n’en a pas fallu moins pour que l’opposition enfourche ce
cheval de bataille, et commence à recueillir des signatures pour engager
un référendum sur le sujet. Prenant panique, le gouvernement a
récemment lancé en catastrophe le vote de l’annulation de ladite loi par
le Parlement. Vote qui est passé à plus de 92% des voix exprimées. Pour
une application immédiate. Très habilement, Viktor Orbán a ainsi
contourné un écueil : se voir désavoué par un référendum dont l’issue
eût été certaine (et dont le résultat ne pût être remis en cause trois
années durant).
Certes. Mais a-t-on consulté au préalable les employés des commerces
concernés? Non. Je prends le cas d’une chaîne hongroise. Les caissières
et vendeuses y gagnent actuellement l’équivalent de 400 euros nets pour
six jours de repos par mois : deux samedis et les quatre dimanches.
Désormais il ne leur resterait que quatre journées libres : deux samedis
et deux dimanches, ce qui revient, une fois sur deux à les faire
travailler 12 jours d’affilée. Et ce, du moins en l’état, pour un gain
horaire d’à peine plus de 2 euros le dimanche. Car, parallèlement à
l’annulation de la loi, le gouvernement a fait voter en catimini une
modification du Code du Travail, ramenant de 100% à 50% la rémunération
des heures supplémentaires.
Fort heureusement, des voix, d’abord timidement, ont fini par se faire
entendre pour défendre leurs intérêts. Il était temps. Ceci dit,
rien n’est gagné et l’issue de négociations (que l’on tarde apparemment à
engager) demeure plus qu’incertaine : établir le travail dominical sur
la base du volontariat, offrir en compensation une rémunération correcte
des heures dominicales ou, dans le cas contraire, proposer en échange
une journée de repos dans la semaine.
Alors que les sujets de mécontentement ne manquent pas, notamment face à
une centralisation poussée à outrance et une mainmise de l’Etat dans
quasiment tous les domaines, ou encore face à une corruption qui s’étale
au grand jour, sans parler de dépenses absurdes comme la construction
de stades luxueux, alors que les hôpitaux manquent de fonds, l’opinion
publique semble davantage mobilisée sur les aspects qui touchent
directement à son quotidien matériel, en l’occurrence son confort. Bon,
cela, nous le savions déjà et peut à la rigueur se comprendre dans un
pays encore peu rodé aux valeurs de la démocratie.
Mais, que ce soient des partis dits „de gauche” qui se mobilisent pour
imposer un retour au travail du dimanche, voilà qui est pour le moins
surprenant. De plus, jusqu’à en faire une véritable fixation, quitte à
reléguer au second plan les autres sujets. Sans hésiter, même, à en
faire son titre de gloire et à crier victoire. Bien sûr, on se raccroche
a posteriori, in extremis, aux branches pour se poser en défenseurs des
droits des travailleurs, mais le coeur n’y est pas vraiment...
Celles et ceux qui ont connu la Hongrie des années 70-80, ont encore en tête l’expression „communisme du goulache”,
par laquelle on entendait illustrer une certaine passivité, ou du moins
non résistance, de la population en échange d’un relatif bien-être,
avec des magasins plutôt bien achalandés. De ce point du vue, les
mentalités n’auraient donc pas trop évolué ? De même que János Kádár
entendait ainsi, sinon totalement l’endormir, du moins tenir son opinion
à l’écart du débat politique, en serait-il ainsi avec le pouvoir
actuel ? Je n’irai pas jusque là, mais presque..
Quant aux exploitants des grandes surfaces, ils peuvent se frotter les
mains.... Merci, Monsieur Orbán, merci Messieurs les députés ! Des deux
bords, une fois n’est pas coutume. (Chacun ayant ses petits chouchous
dans le monde du commerce...)
PW – 19 avril 2016
Source : francianyelv.hu
mardi 19 avril 2016
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.