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Vernissage le 10 mars à 19h
Plongeur dans l’aquarium et gendarme au grand chapeau, 1935-37, encre et lavis d’encre sur papier
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L’exposition propose une sélection
d’œuvres et de documents provenant de la collection d’art psychiatrique
de l’Académie hongroise des sciences. Conçue dans le souci de respecter
l’historique de la collection, celle-ci nous plonge dans ces lieux de
thérapie, si longtemps actifs et pourtant isolés sur le plan
socio-culturel, qu’étaient jadis les asiles d’aliénés hongrois.
La Clinique neuropsychiatrique de
Budapest, construite en 1908 après une longue période de travaux
préparatoires avait pour mission principale, outre la médecine, la
recherche et l’enseignement ; les soins qu’il fallait souvent prodiguer
aux aliénés toute leur vie durant incombaient donc aux médecins des
asiles. Fondés plus tardivement que leurs équivalents européens
(Nagyszeben en 1865 en Transylvanie, Lipótmező à Buda en 1868,
Angyalföld dans les faubourgs de la capitale en 1884, Nagykálló, un
département de Lipótmező, dans les années 1880), les asiles hongrois ont
été rapidement surpeuplés ; ce sont les psychiatres de ces
établissements qui ont dû affronter les difficultés de « la chose
psychiatrique » intimement liée aux questions sociales. Dans ce cadre
institutionnel obsolète évoluaient des médecins, avides de réformes,
prêts à effectuer des voyages d’étude en Europe sur leurs propres
deniers. Riches de l’expérience qu’ils acquéraient au travers de ces
voyages, ils revenaient motivés par le désir de créer des ponts entre
l’univers marginalisé, stigmatisé, des asiles et le monde extérieur ;
dès lors, poussés par cet idéal d’une « psychiatrie de la vie », ces
médecins s’attachaient à présenter les œuvres réalisées par les patients
des asiles sous l’angle non seulement de leur importance dans le
diagnostic clinique, mais aussi de leur valeur esthétique.
Le premier et unique musée psychiatrique
de Hongrie a ouvert ses portes en 1931 dans l’asile d’Angyalföld,
l’établissement suscitant la plus d’aversion dans l’imaginaire collectif
de la capitale. Dans la collection qui ne manque pas d’évoquer
l’univers des cabinets de curiosités, les œuvres visuelles et textuelles
créées par les patients jouaient un rôle aussi important que les objets
anatomiques et anthropologiques. Outre les dessins, peintures, œuvres à
base de mie de pain, maquettes en papier, broderies, poèmes ou encore
armes bricolées et confisquées, les psychiatres avaient élargi la
collection à « l’auto-documentation de la discipline », faisant de
celle-ci une particularité locale unique en son genre. La collection,
inscrite sur la liste nationale des musées, a ainsi été enrichie de
bibliographies psychiatriques et d’histoire de la médecine, de revues de
presse réunies dans des albums (des nouvelles psychiatriques tirées de
chroniques jusqu’aux récits de faits divers, de la folie amoureuse à
l’eugénisme). Des essais prônant la réforme du système, des sources
visuelles portant sur certains sujets de recherche (corrélation entre
images publicitaires et phénomènes de suggestion de masse), des clichés
photographiques illustrant ces recherches (tableaux de photos), ainsi
que des albums-photos montrant la vie quotidienne dans les asiles lui
ont également été adjoints. À la suite d’un changement de directeur, la
collection d’Angyalföld sera transférée à Lipótmező, en 1936. Le cabinet
de curiosités qui sera enrichi de pièces ajoutées par les médecins de
Lipótmező à la fin des années 1930 n’est pas compatible avec le projet
de modernisation souhaité par le nouveau directeur de l’asile
d’Angyalföld. La collection subit des pertes importantes pendant la
Seconde Guerre mondiale et n’est répertoriée de nouveau qu’à la fin des
années 1950. En dépit de ses modestes ressources, la collection continue
de se développer, selon des priorités changeantes mais sur des bases
théoriques plus progressistes, jusqu’à la fermeture de Lipótmező, en
2007.
La pièce la plus ancienne de la
collection date de 1901, la plus récente de 2006. La collection d’art
psychiatrique qui entre en possession de l’Académie hongroise des
sciences (Institut d’art, Centre de recherche en lettres) en 2008,
conserve des objets matériels évoquant l’histoire des hôpitaux
psychiatriques au 20ème siècle marquée par une solide
tradition asilaire. La sélection effectuée pour notre exposition
parisienne reflète bien le caractère ambigu des « Maisons jaunes »
hongroises : ces établissements dirigés par des psychiatres
paternalistes, à la fois protecteurs et sévères, représentaient un
refuge pour beaucoup de patients. Entourés de craintes et de préjugés,
les asiles d’aliénés constituaient parfois et d’une façon paradoxale,
des îlots d’humanité par rapport à l’oppression politique qui régnait
sur le monde extérieur. Tandis que les représentations de moyens de
transport (bateaux, trains, zeppelins, vaisseaux spatiaux), récurrents
dans l’univers pictural des patients de long séjour, traduisent un désir
d’évasion, de fuite, les nombreux portraits peints ou dessinés rendent
hommage à certains membres de cette communauté, patients, médecins et
autres employés. La collection contient également des images et objets
fantaisistes exécutés avec une minutie maniaque et qui traduisent le
repli des patients sur leur univers intérieur, ainsi que des témoignages
visuels qui reflètent les bouleversements, les traumatismes de
l’hospitalisation, et les luttes acharnées de « l’âme enfermée dans le
corps ».
Entrée libre
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