samedi 11 février 2012

"L'enfance en bagage" par Flora


Exilés volontaires ou non, nous emportons avec nous toutes les années fertiles dont se nourrit l'enfance, pour toujours, et ce bagage poids plume ou lesté d'infinies souffrances nous accompagne jusqu'au bout. Même si notre identité ne cesse de se modifier sous les influences diverses rencontrées, ce socle reste enfoui au fond du sac à dos, inchangé. Périodiquement, cet enfant nous regarde, nous demande des comptes : qu'as-tu fait de mes rêves ?...
La petite fille blonde, avec un ruban artistiquement noué dans les cheveux est née dans la Grande Plaine, au bord de la Tisza, la rivière blonde, bordée de saules et de plages de sable ici et là.
Mon enfance, ce sont des étés torrides, le tremblement de l'air et des orages mémorables. C'est la sensation du sable brûlant sous les pieds nus, la chaleur apaisée avec l'allongement des ombres et les voisins installés sous les acacias pour la causerie du soir qui prépare à la nuit, au rythme de la nature, à des époques sans télé...
Mon enfance, ce sont des hivers interminables et froids, la neige permanente qui craque sous les pieds et le jour à peine éveillé qui expédie le nécessaire pour se calfeutrer de nouveau.
C'est l'irruption violente du printemps avec le réchauffement de la face engourdie de la terre. Explosion des parfums, cerisiers en fleurs qui bordent les rues, lilas dans la douceur subite de l'air...
C'est aussi l'automne de la transition, l'été des vieilles (« vénasszonyok nyara »), où le soleil devient opaque et chauffe en caressant. Une dernière clémence avant de s'éteindre...
L'enfant qui me regarde avec curiosité et confiance sur la photo de ses 4 ans, me retransmet, à chaque fois, cette confiance inébranlable dans la vie. Sa curiosité aussi. Je ressens, malgré tous les malheurs traversés, que la vie demeure l'unique et extraordinaire aventure à laquelle elle s'attendait. Que nous n'avons pas droit à une seconde chance. Que le brouillon devient automatiquement copie à rendre. Et c'est cela qui lui confère toute sa fascinante grandeur.

Le blog de Flora en français

Flora magyar blogja

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