Bíró József, Le dr Bíró Imre (d’après Rembrandt), huile sur carton, 1930 |
À plusieurs reprises j’ai écrit sur mon père, mort dans sa quatre-vingt-seizième année, qui s’est donné tant de peine à me transmettre sa construction intellectuelle et morale. Le reste, tout le reste, notamment ma vie et ma survie, je le dois à ma mère, mais cela devrait être le sujet d’un autre billet.
Le docteur Bíró était un séducteur. Je ne lui connais aucune aventure, aucun pas extraconjugal, mais Dieu qu’il aimait les femmes et Seigneur comme les femmes le lui rendaient bien !
En rentrant à Paris, on m’a fait remarquer que la doublure de mon pardessus, cousue maladroitement ensemble avec le tissu, est raccourcie au point de déformer toute la structure. Il faudrait découdre la bride pour que le dos redevienne droit. J’ai obtempéré. C’était une erreur. J’aurais dû refuser. J’aurais dû garder ce défaut du manteau ainsi que sa cause, la bride cousue au mauvais endroit, pour qu’ils me rappellent l’épisode avec cette couturière que je ne reverrai jamais, et Budapest que j’ai perdu, et la Hongrie dont j’essaie de m’éloigner désespérément pour des raisons politiques, et ma langue maternelle à laquelle je m’accroche, et mon enfance si loin, si dorée dans la lumière du soir, et mon père, sa séduction, sa distinction, son élégance.
J’aurais dû porter ce duffle-coat malfichu en souvenir de mon père qui, lui, n’aurait jamais mis un manteau déformé.
adam biro
mai 2015
biroadam4(AT)gmail.com
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