Si j’étais
le roi d’un petit pays pauvre sans ressources naturelles
particulières, isolé par sa langue, d’un pays qui a souffert de
toutes les guerres perdues, qui a été, pendant des siècles,
occupé, humilié et appauvri par des puissances étrangères avec la
complicité de ses classes dirigeantes, et parfois avec le silence de
la majorité de la population —
si j’étais
le roi (autoritaire, tyrannique) de ce pays malheureux,
je ferais
tout pour que mes sujets cessent de dire « on ne peut pas vivre
dans un pays où tout le monde déteste tout le monde ».
Je ferais en sorte que les jeunes aiment ce pays et qu’ils aient
envie d’y rester, parce que nous aurions la meilleure équipe de
football du monde.
J’établirais
des relations très étroites et amicales avec mes voisins, tous mes
voisins, dans la dignité et l’égalité, sans devenir ni leur
obligé, ni leur vassal. Je reconnaîtrais leurs frontières et
j’abandonnerais toute revendication territoriale contre eux.
Je
cesserais de ressasser les vieilles rancœurs, les vieilles
injustices, les vieilles querelles, mes vieilles défaites, pleurer
sur le service de porcelaine de la tante Irène et les vieux traités
même injustes pour établir de nouvelles bases de coopération à
l’extérieur.
Pour ce
faire, je financerais un institut de recherche scientifique qui
étudierait et mettrait à plat les injustices et les cruautés que
les rois précédents ont fait subir à leurs voisins et à certaines
catégories de leurs propres sujets dont les enfants continuent à
vivre dans mon pays.
Je ferais
publiquement amende honorable au nom du pays devant toutes les
catégories de citoyens bafoués, maltraités par le passé.
J’interdirais
toute publication ou émission radio ou TV incitant à la haine ou à
l’exclusion, car je pense que ma liberté — aussi celle de la
presse, et même si je suis roi — s’arrête là où commence
celle de mon voisin, et j’empêcherais d’agir, s’il le faut par
cassage de gueules, tout groupe paramilitaire prêchant la haine et
semant la terreur.
Je
laisserais à une commission indépendante qui n’aurait de compte à
rendre qu’au public, et surtout pas à moi, de choisir, sur la base
de la seule compétence professionnelle, les responsables des chaînes
de TV et de radios nationales. Je réaliserais personnellement une
série consacrée aux diverses méthodes de conservation des
cornichons (notamment au levain dont je raffole).
Je
veillerais à la totale indépendance de la justice vis-à-vis du
parlement, du gouvernement, des partis — et de moi.
Je
m’accrocherais de toutes mes forces à tous les groupements et
toutes les unions géographiques dont je pourrais faire partie, étant
persuadé que mon petit pays n’a aucune chance de pouvoir affronter
l’avenir seul, et pour éviter qu’il devienne un musée, un parc
d’attraction, un noman’s land ou le satellite d’un autre
avant la fin du siècle.
J’aiderais,
voire je chérirais toutes les minorités linguistiques, religieuses
ou ethniques de mon royaume, et j’ordonnerais que le terme même de
« minorité » disparaisse. Tout le monde serait simple
citoyen, sans distinction.
Je me
tournerais résolument vers l’avenir, sans pour autant oublier le
passé. Mais je ne m’appuierais jamais sur un passé mythique et
falsifié pour créer de toutes pièces une communauté nationale et
nationaliste ethnique factice, haineuse, sans aucune base sérieuse.
Je
consacrerais une grosse partie de mon trésor à l’éducation, en
privilégiant les langues et en développant la recherche et les
nouvelles technologies propres, qui ne demandent ni une grosse
population, ni des territoires étendus, ni d’autres ressources
qu’humaines et intellectuelles. Une commission, dirigée par moi,
prendrait les mensurations des cent plus belles filles du pays pour
voir si elles ont les qualités requises pour faire des études de
physique quantique.
J’investirais
largement dans la culture sous toutes ses formes et dans les
représentations culturelles de mon pays à l’étranger, car cet
investissement n’est pas lourd face à d’autres dépenses, et
l’image et le poids de mon royaume dans le monde s’en
trouveraient renforcés et magnifiés à peu de frais.
Et
j’inscrirais parmi mes priorités la défense de l’environnement
et l’écologie, car j’aurais beau mettre en route tout ce que je
veux si la vie sur Terre devient impossible.
Et dans un
geste ultime et auguste, je libérerais tous les animaux des zoos,
depuis l’aoûtat jusqu’à l’éléphant, en passant par le
chacal, le tigre, la belette et le petit lapin.
Mais
rassurez-vous. Je n’ai aucune envie de devenir roi. Ils finissent
souvent mal.
Adam Biro
octobre 2012
biroadam4(AT)gmail.com
octobre 2012
biroadam4(AT)gmail.com
Vive Adam BiRoi, et à bas UbuRoi qui veut s'installer dans la Galerie Nationale (Nemzeti Galéria)!
RépondreSupprimerBonjour Alfred et merci à vous d'apporter cette pertinente contribution.
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