dimanche 24 septembre 2023

«Quand on a de gros ennuis, il faut fuir en avant» - András Derdák, un gagnant dans la vie, comme jeu de puzzle

Traduction d'un article paru en langue hongroise sur 24.hu
Lengyel Nagy Anna 20.08.2023, 10:01h
https://24.hu/belfold/2023/08/20/derdak-andras-portre-montpellier-franciaorszag/


Cet homme a tout connu. À l'âge de 18 ans, il était une figure incontournable du changement de régime, puis, pendant des années, le créateur et le dirigeant d'une institution perpétuellement fauchée, mais follement innovante, qui attirait les foules et est devenue un culte. Il a ensuite été l'une des âmes du Sziget Festival, puis un attaché culturel en costume à Paris. Et puis, il y a une douzaine d'années, il est devenu un Hongrois qui s'est installé en France avec sa famille. Ancien directeur, riche, puis appauvri par l'épidémie de Covid. Plus récemment, il est propriétaire d'un château dans le sud de la France, les poches vides, au chômage. Pour lui, la vie est un jeu de puzzle. Cela demande du désir, de la foi, de la confiance en soi, de la patience et surtout de la persévérance. Et puis, tôt ou tard, ce que l'on veut construire se met en place. Voici l'histoire d'András Derdák.

- Vous êtes un grand francophile, András, n'est-ce pas ?
- Oui, je le suis.
- Vous parlez français comme si vous étiez né ici.
- Imaginez, j'arrive même à le faire croire aux Français, mais seulement pour un temps.
- Vous semblez vraiment aimer vivre dans cette ville.
- Montpellier est une ville charmante, typiquement méditerranéenne. Ni trop grande, ni trop petite. Tout le centre historique date du 16e au 17e siècle et est plein de culture, de musique et d'histoire. Vous pouvez également prendre le tramway jusqu'à la mer. Pour ma part, je m'y rends à vélo. Ce n'est pas par hasard que nous avons choisi cette ville en 2010.
- Aviez-vous encore un emploi ?
- À l'époque et pendant les dix années suivantes, bien sûr. Ma femme, Anita Földes et moi dirigions notre propre entreprise ici en France. Puis le Covid est arrivé, et tout s'est effondré. Nous ne pouvions même plus payer notre loyer. C'était la faillite totale. Mais il faut avancer d'une manière ou d'une autre, il faut avoir une sorte de vision. Sinon, c'est fini. Croyez-moi, je vous dis cela après un an et demi de profonde et grise dépression.
- Vous avez donc acheté un château de campagne à 60 kilomètres d'ici. Cela semble surréaliste, compte tenu de votre statut et de votre situation financière.
- Pour être plus précis, c'est nous qui l'avons acheté. L'idée, l'inspiration et la majeure partie de la responsabilité me reviennent, mais finalement nous étions douze à réunir le prix d'achat. J'ai de
grands projets avec ce château. Quand on a de gros ennuis, il faut courir en avant, n'est-ce pas ?
- Peut-être. Mais dans un château en cours de rénovation ?
- Par exemple.

András Derdák est un homme de grande taille, aux cheveux bouclés et au physique athlétique. Il a 51 ans. Il est possible que c'était le sport qui l'a rendu si déterminé, puisqu'il a fait de l'escrime, du ski et de l'équitation en compétition dans sa jeunesse. Mais cela n'a peut-être pas d'importance. Mais le fait qu'en 1990, à l'âge de 18 ans, il soit devenu, en tant que membre enthousiaste du Fidesz, le plus jeune conseiller municipal de la capitale, puis chef de groupe parlementaire, montre qu'il s'agit d'un homme également enclin à l'action et à l'engagement public. C'est un battant, un idéaliste, prêt à faire mieux, qui a profité de la période prometteuse du changement de régime en Hongrie. Et puis Banán est arrivé. Je veux dire, la fondation du club. Quelques adolescents et jeunes de vingt ans, menés par Derdák, ont transformé un ancien bâtiment du parti communiste en une institution emblématique presque à partir de rien, qui a fini par attirer des dizaines de milliers de jeunes avec ses programmes culturels de musique alternative et de nombreux autres genres, et avec ses festivals au nouvel esprit. András Derdák, alors âgé d'une vingtaine d'années, a permis à son personnel de s'épanouir grâce à une méthode de gestion démocratique unique. Les idées, issues d'un brainstorming, jugées réalisables étaient mises en œuvre par une équipe de 4 à 5 personnes. Le Banán était un grand projet créatif qui, contrairement à ce que l'on dit souvent, n'ennuyait personne. Mais, comme il le dit lui-même, c'était encore une sorte de maison pauvre, la plupart du temps sans aucune idée de comment et à partir de quoi ils allaient réaliser leur prochain événement, vivant d'appel à candidature en appel à candidature, mais la vision était si forte que l'image du puzzle, qui semblait impossible à voir au début, finissait toujours par s'assembler d'une manière ou d'une autre.
Quelques années plus tard, ils ont gagné le titre de « Meilleur club du pays ».
Année après année, le Banán Klub a monté sa propre scène de jazz au Sziget Festival, et c'était cette période du Banán qui lui a permis d'établir des contacts culturels internationaux, en particulier en France. À l'époque, il se rendait en France plusieurs fois par an.
En ce qui concerne les deux lieux de l'histoire, les choses semblent se mettre en place, mais on se doute qu'il y aura encore des rebondissements inattendus.
C'est l'après-midi, Anita, la femme d'András, et leur fille de cinq ans arrivent à la maison avec des sacs. Eszter est déjà née ici, à Montpellier, et elle babille en alternant le français et le hongrois. Elle court immédiatement vers son père et se blottit dans ses bras comme un chaton. Puis une jeune Espagnole apparaît dans le salon, avec qui ils échangent quelques phrases en français. Il s'agit en fait d'une résidente temporaire, arrivée en ville pour quelques semaines pour apprendre le français.
- Nous avons conclu un contrat avec une école de langues, explique András, et un de leurs étudiants étrangers vit et mange chez nous. Le concept de l'école est de mettre ses étudiants dans un environnement familial. Nous avons deux chambres, dont l'une leur est réservée, et nous, nous nous serrons un peu. Si vous n'avez pas de revenus réguliers, vous devez trouver quelque chose. Les étudiants sont gentils et apportent un peu de couleur à la maison, et l'argent que nous recevons de l'école de langues nous facilite un peu la vie. Par exemple, il nous aide à payer notre loyer, car c'est beaucoup d'argent. Il y avait des étudiants de toutes les nationalités et de tous les âges qui ont vécu avec nous. Anita demande à chacun d'apprendre à Eszter quelques mots dans sa propre langue.
- Ce n'est pas la première fois que vous laissez entendre que vous êtes au chômage depuis un certain temps et que vous devez serrer la ceinture. Vous avez également mentionné que votre entreprise
française avait fait faillite. Quel était le profil de cette entreprise ? Et qu'est-ce qui s'est passé ?
- Tout a commencé lorsque j'ai été nommé directeur de l'Institut hongrois de Paris en 2005. Je suis devenu attaché culturel. C'était un tout nouvel environnement pour moi, le rôle de diplomate, mais il ne m'était pas étranger : c'était essentiellement la même chose que j'avais fait toute ma vie, et que je préfère définir comme organisation ou promotion culturelle. Mais cette fois-ci à un autre niveau, dans un autre habit. Au lieu des jeans, c'était un costume.

Là, il faut faire un petit détour pour mieux comprendre le contexte. Derdák faisait probablement la même chose que ses prédécesseurs pendant son mandat, mais dans un style complètement différent. Il agissait comme une sorte d'agence, de producteur sur le marché français, considérant la culture hongroise comme une sorte de marque qu'il devait promouvoir. Il a fait venir de nouveaux talents hongrois dans des festivals français très populaires, a atteint 800 artistes avec le concours de la Fête de la musique, a lancé un site de littérature hongroise en langue française sur l'internet avec ses collègues, et a initié la création d'une section hongroise au sein du lycée international. Il a ouvert la terrasse de toit de l'Institut hongrois, auparavant fermé au public, et a lancé le cinéma silencieux.
Parmi les étudiants hongrois faisant leurs études en France et les jeunes Français se répandait de bouche à oreille la nouvelle d'un programme romantique pour les soirées d'été, un cinéma en plein air sur les toits de Paris, où le public peut regarder de grands films hongrois avec des écouteurs en buvant du vin à petites gorgées, sans déranger les voisins. Les célébrations nationales hongroises étaient parfois organisées à la Sorbonne, dans l'immense église de Saint-Sulpice ou à l'hôtel de ville de Paris. Avec ses collègues, il a invité des chanteurs de jazz hongrois à chanter devant les tableaux hongrois du Louvre, organisé une exposition de photos sur la révolution de 1956 dans des parcs publics, construit un rideau de fer de 20 mètres avec une exposition dans les jardins du Sénat ouverts au public pour marquer l'anniversaire de la chute du communisme, et organisé un défilé de Trabant sur les Champs-Élysées.
Il est possible qu'il soit né pour toujours trouver un espace et pour le remplir du contenu qui serait un aimant pour attirer les gens.

Mais revenons à l'essentiel : l'entreprise d'András qui a fait faillite.

 - Nous avons vécu à Paris pendant cinq ans, mon mandat a expiré en 2010. Après la victoire du Fidesz, j'étais sûr que je n'aurais pas beaucoup de chances de trouver un emploi convenable en Hongrie. J'ai quitté le parti en 1993, à l'âge de 21 ans. À la même époque, Gábor Fodor, István Hegedűs, Klára Ungár et beaucoup d'autres ont également rompu avec eux. Nous avions déjà constaté à l'époque que l'élite du Fidesz glissait vers un leadership autocratique, en contradiction avec tous les principes démocratiques que nous avions imaginés ensemble quelques années plus tôt.
C'était une grande cassure pour nous, nous avons donc changé de voie, ce qui nous a mis sur leur liste noire en tant que « traîtres ». Et nous y sommes toujours.
Donc en 2010, pour des raisons essentiellement pratiques et existentielles, ma femme et moi, nous avons décidé de rester, même si nous savions déjà à l'époque que nous ne voulions pas vivre à Paris,
mais plutôt dans le Sud, à un endroit plus petit et moins cher. Au même moment, une invitation est arrivée. C'était comme si mon ancien monde m'appelait à nouveau : organiser des festivaliers français pour le Sziget Festival et Balaton Sound. Il s'agissait d'un terrain vierge, d'une affaire bien complexe, alors dès le début, nous avons créé une société avec six employés, et Anita - qui est une spécialiste de communication - s'est également impliquée activement. Nous avons proposé un package complet : publicité, organisation de voyages, hébergement, billets, programmes, nous avons délégué des journalistes français, créé des partenariats et nous étions également responsables du marketing. Cela a duré onze ans et, ces dernières années, nous avons amené 80 000 jeunes Français au Sziget Festival. Comme ce type de travail n'est pas entièrement local, nous étions une sorte de famille dioïque, faisant des allers-retours entre Budapest et Montpellier. Une moitié de l'année ici, l'autre moitié de l'année là. Puis le Covid a frappé et l'un des plus grands festivals d'été d'Europe a fermé ses portes pendant deux ans. Nous ne pouvions plus attendre, nous avons dû fermer la boite et licencier le personnel. C'était fini. Et notre existence aussi. Comme si elle avait été coupée.

Bien que, grâce à l'État français, tous les employés des entreprises touchées par le Covid, y compris l'épouse d'András, aient reçu pendant longtemps les 80 % de leur salaire, cette mesure ne s'appliquait qu'aux employés, et non aux directeurs généraux. L'allocation de chômage d'Anita constituait donc le revenu régulier de la famille. En outre, ils recevaient quelques milliers d'euros de l'État pour entretenir les infrastructures, dans l'espoir que l'entreprise soit un jour relancée. Mais ce n'a pas été le cas.

Pendant un an et demi, il n'y a eu aucun espoir, aucune raison de se lever ou à quoi penser.

C'est alors que l'idée du château a surgi. Ou du moins celle d'une immense maison de campagne qui serait un logement à sa famille, ainsi qu'un lieu de travail et un espace communautaire. Et elle pourrait également assurer leur subsistance. Disons qu'une des ailes pourrait être transformée en une maison d'hôtes de 5 à 6 chambres pour les clients payants. Cette combinaison a été et est encore à l'étude dans sa tête.
La région des Cévennes est formidable, sauvage, tout autant que la Provence limitrophe, mais beaucoup moins branchée. On y trouve de vieux manoirs et châteaux à vendre. Les prix commencent à 500 ou 600 mille euros et montent jusqu'au ciel.

Mais de quoi ?

András Derdák semble être revenu à la vie. Après tout, il était sur le point de partir dans la direction où il avait toujours été chez lui. Et c’est alors que le plus grand casse-tête de sa vie a commencé.
Il a commencé par contacter des amis et des connaissances dont il savait qu'ils avaient de l'argent.
Curieusement, ils ne se sont pas montrés intéressés et n'ont pas vraiment compris ce qu'il voulait. Il a également envisagé de gérer le lieu comme une commune moderne, de sorte que les investisseurs y
vivent en permanence. Cela n'a pas marché non plus. Entre-temps, il parcourait imperturbablement la campagne à la recherche de biens immobiliers d'au moins 500 à 600 mètres carrés. Un an s'est écoulé jusqu'à ce qu'il ait finalement senti l'avoir trouvé. Il s'agit d'un vieux manoir de 400 ans, avec des murs d'un mètre d'épaisseur, des colonnes, un escalier décoratif et le fleuve Hérault qui chemine juste à côté de son parc. La propriétaire était une Française qui avait acheté la maison avec son mari déjà décédé. Il était en vente depuis longtemps, et a été considéré par de nombreux intéressés. C'est la plus grande et la plus belle bâtisse du village de 1500 habitants. La dame a changé d'avis plusieurs fois, a dit que finalement elle ne le vendrait pas, et entre-temps deux agents immobiliers ont été consommés. Mais l'acheteur et le vendeur ont fini par réussir à trouver un compromis, et dans les semaines qui ont suivi, András a pu prendre les clés.

Pour cela, il fallait bien sûr que le soutien financier soit en place. Entre-temps, András a convaincu de nombreuses personnes, jusqu'à ce qu'un groupe de 12 familles et entreprises se soit officiellement
constitué en société anonyme. Il ne s'agit pas nécessairement de personnes fortunées, chacune a des motivations et des moyens financiers différents, mais toutes convaincues que l'idée d'András
fonctionnera et qu'avec le temps, leur investissement sera rentabilisé. En attendant, ils peuvent y aller en vacances, y faire du télétravail ou s'en servir comme base pour visiter le sud de la France.
Enfin, une fois que ce bâtiment patiné, mais bien sûr historique aura été restauré.
- Avez-vous déjà décidé ce que vous feriez dans cette maison, quelle vie lui donneriez- vous ?
- Cela moutonne encore dans ma tête. Tout d'abord, je visiterai souvent le site : l'espace physique est important pour réaliser les rêves, et la disposition des pièces et des couloirs vous dira, tôt ou tard, à quoi ils vont servir. C'est ainsi que nous avons créé le Banán Klub, à l'époque. Cela peut être n'importe quoi : un café, un festival, un atelier, une salle de conférence, un cercle de couture ou d'art, un centre touristique, un espace d'exposition, un programme pour les enfants ou même un lieu de rencontre pour le groupe d'agriculteurs locaux. La fonction de maison d'hôtes est la seule certitude : j'aimerais aménager des appartements sophistiqués et un grand dortoir commun pour les touristes moins aisés. L'écotourisme est déjà une activité importante dans la région. Les bases économiques ne doivent pas être laissées à la culture, c'est une autre valeur. J'ai construit de bonnes relations avec le maire du village et tous les autres habitants, et bien sûr, notre nouvelle a très rapidement passé dans cette petite communauté. Par exemple, lors de notre premier déjeuner dans le restaurant local, le propriétaire nous a accueillis avec l'hymne national hongrois. Ensuite, tout le monde s'est levé et a chanté quelques lignes de la Marseillaise. C'est un sentiment formidable d'être accueilli avec autant d'amour et que tout le monde est content que nous soyons là. Ou plutôt que c'est nous qui avons acheté ce bâtiment et que nous voulons en faire quelque chose qui profitera certainement au village.
- C'est un vieux bâtiment qui n'aurait pas été touché depuis une centaine d'années. Comment vous aurez de l'argent pour la rénovation ?
- Pour l'instant, il y a un sérieux trou dans le puzzle. Après avoir acheté la propriété pour un demi-million d'euros, il ne reste plus grand-chose dans le budget. Je dois préciser qu'aujourd'hui, on peut
probablement acheter une maison de taille moyenne à Szentendre pour cette somme. Ou une maison de vacances sur le lac Balaton. La modernisation coûtera à peu près la même somme. Nous avons donc encore besoin d'au moins 300 à 400 000 euros. Nous ne pouvons envisager qu'un prêt bancaire. Malheureusement, les banques françaises n'accordent plus de prêts à 1 % d'intérêt. C'était la routine jusqu'à récemment, mais nous avons juste manqué l'occasion. Certaines institutions financières ont même fermé leur service de prêt. Je frappe à la porte de la vingtième banque environ, mais je suis confiant. J'ai récemment rencontré un banquier qui est d'ici, et qui est un peu partial envers la région, alors il y a peut-être une lueur d'espoir. Je ne dois pas être impatient. Nos investisseurs ne le sont non plus ; l'important, c'est que nous avons déjà un cadre pour notre vision.
Et si ce n'est pas maintenant, je suis sûr que je trouverai la bonne pièce du puzzle dans deux semaines. D'ailleurs, je compte vraiment sur des bénévoles. Les investisseurs, leurs amis et leurs familles qui sont déjà en visite cet été, et bien sûr mes amis d'ici et d'ailleurs - y compris moi-même - prennent la brosse pour peintres, la perceuse et le marteau, car pour l'instant, la première chose est de rendre cet espace habitable.
Mais en attendant, la famille Derdák doit vivre, ou plutôt gagner sa vie. Leurs réserves ont été épuisées pendant ces deux dernières années. Ce qui reste fixe dans leur budget, c'est l'allocation de chômage d'Anita, les invités occasionnels de l'école de langues et le loyer de leur appartement loué à Budapest. Ils font leurs courses sur le marché arabe pas cher, et réfléchissent même s’il y a besoin que tous les trois rentrent à Budapest.
- J'ai déjà gagné beaucoup d'argent dans ma vie, raconte András, alors que je n'avais pas besoin de regarder les prix dans le magasin. Mais je suis convaincu que la véritable pauvreté n'est pas nécessairement liée au manque d'argent. Il s'agit plutôt d'un manque d'accès. Il s'agit d'être capable de chercher ce que tu veux trouver, d'être intelligent et logique dans ses choix, d'être capable d'apprendre et d'interpréter les informations et les règles et d'être capable de les appliquer. Par exemple, la dernière fois que nous nous sommes rendus à Budapest, où actuellement nous n'avons pas de logement, nous avons séjourné gratuitement chez une famille étrangère hongroise, au lieu d'aller à l'hôtel, ce qui aurait été inabordable pour nous. Je suis allé sur Internet et j'ai vu qu'il existait un programme d'échange de maisons. Ce n'était pas facile, mais j'ai trouvé une famille hongroise très sympathique qui a pris notre maison à Montpellier pour ces deux semaines.

András Derdák appartient à la génération qui, dans l'euphorie du changement de régime, a cru à juste titre que la Hongrie serait bientôt comme les autres pays de l'Europe occidentale. Pendant la majeure partie des 18 années passées en France, il commençait chaque journée par lire la presse hongroise. Il ne le fait plus aussi régulièrement. Lorsqu'il se rend dans son pays, il constate que les gens sont de plus en plus maussades et agressifs.

- Je pense que l'Europe de l'Est ne pourra jamais faire partie de l'Occident. Pour des raisons objectives, historico-socio-psychologiques. Je m'en suis rendu compte lorsque j'étais à Bergen, la ville hanséatique de Norvège. Nous savons ce qu'était la Ligue hanséatique. Il s'agissait d'une association commerciale internationale très puissante, influente et souveraine, principalement en Europe du Nord, pendant 500 ans.
Leur expérience montrait qu'il est possible de travailler ensemble dans différentes langues, d'embrasser d'autres cultures et qu'une poignée de main est sacrée. À l'Est, en revanche, ce n'est pas la culture de la poignée de main qui prévaut, et l'alliance n'a pas la même signification, nous avons une culture du pouvoir. C'est une culture de la flexibilité infinie, de l'adaptation constante au pouvoir actuel, indépendamment de son type.
- Ce que vous dites est déprimant. Vous avez quand même laissé quelque chose derrière vous, même si ce n'est pas pour toujours...
- Ma famille. Mes amis d'enfance les plus importants. Ce qui est impossible à reproduire à cet âge, dans un nouvel environnement. C'est aussi une question de culture. À la maison, une demi-phrase suffit, et l'autre la termine. Chez nous, il y a une mémoire collective, ici il n'y en a pas. Je n'ai pas été adolescent ici, je ne connais pas le nom des groupes de rock, je ne connais pas et ne comprends pas toujours les blagues, je n'ai pas regardé de dessins animés ici, et je dois donc m'expliquer. Même si je parle bien le français, je ne serai jamais français. Il y a donc un prix à payer pour tout cela.

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