vendredi 12 juin 2015

Blessure de soleil par Flora

Qu'est-ce qui fait que votre paysage interne, soudain, se métamorphose, du noir et blanc en deux dimensions, terne et déprimant en multicolore chatoyant, avec saillies et profondeurs, modelées par un grand soleil ? Pourtant, en apparence, rien n'a changé. Pas même la couleur du ciel, ni la température de l'air. Seulement votre vision du monde.
Par acquit de conscience, vous jetez un coup d'œil sur votre horoscope : ne serait-ce pas un bouleversement planétaire qui aurait balayé les influences néfastes qui pesaient sur votre ciel astral depuis des lustres, sans interruption ? Vous n'y croyez pas vraiment, votre esprit cartésien et rassuré par les lumières de la science s'en amuse... Cependant, vous n'avez pas besoin d'aller chez les voisins pour chercher une pincée d'esprit de contradiction...
Les messages de sympathie affluent : le monde entier vous fait des sourires. Effacés le vide austère, le silence pesant, les paralysies insondables : votre charme flétri reprend de la vigueur et redevient irrésistible ! Vous êtes capable de mettre les plus grincheux dans votre poche et les sceptiques d'hier viennent manger dans votre main ! Des personnes depuis longtemps disparues refont surface et vous disent à quel point elles sont heureuses de vous retrouver et vous avouent l'empreinte ineffaçable et déterminante que vous avez laissée dans leur vie, dans leur parcours et que l'enchantement se prolonge, intact, avec les retrouvailles... Incrédule, vous en avez le tournis. Cependant, votre amour-propre en convalescence avance avec prudence. Derrière vous, tout près, le long intervalle à la pesanteur de plomb où rien ne bouge, où vos efforts se cognent contre un mur de béton et tentent de vous “consoler” par un désespoir tout stoïque pour rester philosophe quand-même, malgré tout... Cette confiance à peine frémissante reste sur ses gardes : l'expérience prouve que les embellies trompeuses augurent des tempêtes dévastatrices... 
Alors, Mercure, Jupiter, Mars ?... Ou, tout bêtement, Espoir ?... Prudence. Ne vous emballez pas.
“La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil” - dixit René Char. 

Rozsa Millet
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