Monsieur
le Président, Monsieur le Vice-Président de la Commission, Mesdames
et Messieurs les Députés,
Le
Parlement européen débat une nouvelle fois de la Hongrie. Je suis
venu ici à Bruxelles, chez vous, pour prendre part à ce débat.
Dans mes bientôt trente ans de vie parlementaire, j’ai toujours
tenu le débat en haute estime, et la confrontation des idées. La
démocratie est basée sur le principe du raisonnement, et c’est ce
qui donne sa base morale à l’Union européenne. Je suis convaincu
que les décisions prises sont d’autant meilleures qu’elles
résultent d’un débat, et non de révélations unilatérales. Par
ma présence ici, je souhaite vous aider à prendre des décisions
correctement fondées lorsque la Hongrie figure à l’ordre du jour.
Je me souviens que les décisions du précédent Parlement ont échoué
au test de la vérité. Rappelons-nous seulement l’échec patent et
pour tous pénible du rapport Tavares. Vous savez bien que nous
autres Hongrois n’abandonnons jamais la lutte, et je voudrais
aujourd’hui aussi, dans ce débat, me présenter devant vous avec
la force du bon sens. Notre débat s’engage en partie avec vous, et
en partie avec un spéculateur financier américain. Je sais bien que
la force, la dimension, le poids de notre pays sont très inférieurs
aux vôtres, et aussi à celui de George Soros, le spéculateur
financier américain qui, bien qu’il ait ruiné la vie de millions
d’Européens par ses spéculations, bien qu’il ait été condamné
en Hongrie pour activités spéculatives, et bien qu’il soit
l’ennemi publiquement assumé de l’euro, est tenu ici en si haute
estime qu’il est reçu par les plus hauts dirigeants de l’Union
européenne. Mais ce n’est pas une raison pour que l’on nous
condamne sur la base de faits inexacts, parce que l’équité ne
dépend pas de la dimension d’un pays.
Je
suis venu aujourd’hui, Mesdames et Messieurs, pour défendre mon
pays dans ce débat. Mais il n’est pas inutile de vous rendre
compte aussi de nos succès. En 2008, nous sommes partis d’une
situation comparable à celle de la Grèce. Le gouvernement hongrois
d’alors a été le premier à s’être adressé au Fonds Monétaire
International et à vous-mêmes pour obtenir un prêt. Depuis, nous
avons intégralement remboursé cette dette, avant même son
échéance. Depuis, nous avons créé plusieurs centaines de milliers
d’emplois. La Hongrie est en route vers le taux de chômage le plus
faible d’Europe, nous en sommes aujourd’hui à 4%. Nous avons mis
en place une société basée sur le travail, nous avons donné un
travail à tous ceux qui voulaient travailler, au lieu de leur verser
des allocations. Notre objectif est le plein emploi. Notre déficit
budgétaire est depuis des années largement inférieur au plafond
que vous exigez, il était dernièrement de 1,8%. Notre dette
publique est en baisse, notre croissance sera, de manière stable,
aux alentours de 4% cette année. Nous avons encore beaucoup de
problèmes à résoudre, mais nous avons aussi de quoi être fiers.
Je suis convaincu que le succès de la Hongrie est aussi un succès
européen, et l’Union a aujourd’hui besoin de succès. Il serait
stupide de ne pas en tenir compte pour de simples raisons
idéologiques.
Je
vois, Mesdames et Messieurs, que plusieurs affaires retiennent votre
attention. Le bruit s’est répandu que le gouvernement hongrois
avait fermé, par voie législative, l’université privée du
spéculateur financier américain George Soros à Budapest. Or le
recteur de cette université a écrit ce qui suit aux enseignants et
aux étudiants de l’établissement, je cite : « Nous
voudrions souligner que rien ne menace l’Université d’Europe
Centrale, l’université poursuit son activité en toute
circonstance. »
Cette
accusation est donc sans fondement, elle ne repose sur rien. C’est
une situation absurde. C’est comme lorsque l’on accuse quelqu’un
de meurtre, qu’on le condamne, pendant que la victime présumée du
meurtre vit et se porte comme un charme. Mieux, la soi-disant victime
pointe du doigt le condamné en criant à l’assassin. La réalité
est que l’amendement législatif mineur adopté par l’Assemblée
nationale hongroise porte sur 28 universités étrangères exerçant
leur activité en Hongrie, et ne fait rien d’autre que d’unifier
les règles qui leur sont applicables, en fermant la porte aux
possibilités de spéculations et d’abus, en exigeant la
transparence et en supprimant les situations privilégiées qui
existaient auparavant par rapport aux universités européennes. Vous
êtes des législateurs européens. Mon devoir, en tant que premier
ministre de Hongrie, dirigeant d’un pays membre de l’Union
européenne, est de faire en sorte que les universités hongroises et
européennes ne se retrouvent pas dans une situation moins favorable
que leurs concurrentes extérieures à l’Union. Quelles que soient
la puissance et la richesse de leur propriétaire.
La
seconde affaire figurant à notre ordre du jour est la consultation
nationale lancée ces jours-ci par mon gouvernement. Je tiens à vous
informer qu’au cours de la dernière décennie nous avons pris
l’habitude d’interroger régulièrement nos concitoyens. Nous
avons organisé quatre consultations nationales sur les dernières
années. Je vous recommande de bon cœur cette méthode. Dans la
consultation d’aujourd’hui, le gouvernement hongrois sollicite le
soutien de la population dans la formulation de sa position vis-à-vis
de Bruxelles sur des sujets très concrets.
Je
voudrais rappeler une nouvelle fois très clairement que l’engagement
de la Hongrie et du gouvernement hongrois vis-à-vis de l’Union
européenne ne peut être mis en question. C’est sur cette base que
s’est bâtie la politique hongroise depuis trente ans. C’est pour
cela que j’ai signé, et c’est pour cela que j’accepte sans
aucune réserve la Déclaration de Rome que nous venons d’adopter.
C’est pour cela que j’accepte aussi le programme de ma famille
politique, le Parti Populaire Européen, adopté à Malte. Mais
malgré cela, Monsieur le Président, Monsieur le Vice-Président, il
y a beaucoup de points sur le fonctionnement de l’Union européenne
avec lesquels nous ne sommes pas d’accord. Nous exprimons nos
critiques parce que nous voudrions corriger les erreurs et réformer
l’Union européenne. Nous sommes convaincus que nous ne pourrons
regagner la confiance de nos concitoyens dans les institutions
européennes que si nous faisons tout notre possible pour éliminer
les causes de ce fonctionnement insatisfaisant et si peu efficace. Et
pour appliquer une thérapie, il faut un diagnostic clair et une
définition univoque des maux. Je suis personnellement – mais les
Hongrois aussi – l’adepte du langage direct. Nous nous exprimons
clairement et de manière non ambiguë, pour que tout le monde
comprenne, même si nous savons que cela ne plaît pas à tout le
monde. Nous sommes fondamentalement irrités par les mots contraints,
par le langage politique impropre à appeler les choses par leur nom
et qui caractérise aujourd’hui notre vie publique d’Européens.
Mais je ne crois pas qu’il faille s’attendre à ce que dans les
28 Etats de l’Union européenne les tempéraments et le style des
débats soient uniformes. C’est précisément pour cette raison que
je trouve passionnante, et c’est pour cette raison que j’apprécie
personnellement la culture politique européenne. Si vous arrivez à
démanteler les préjugés que vous nourrissez à notre égard, vous
découvrirez une pensée politique rafraîchissante, créative et
innovatrice. Cela est vrai pour cette consultation aussi.
Je
suis convaincu que c’est justement à cela que la Hongrie doit ses
succès. Sur certains des sujets figurant dans le questionnaire de la
consultation nationale, la position de base du gouvernement hongrois
est contraire aux intentions de la Commission. Notre position est
claire : nous ne voudrions pas – parce que nous pensons que ce
n’est pas conforme aux traités fondateurs de l’Union – que
l’on implante des migrants dans notre pays à titre obligatoire.
Décider du point de savoir avec qui nous voulons vivre doit rester
de la compétence exclusive des citoyens de notre pays. Il est
important de savoir que George Soros et ses ONG souhaitent
transporter dans l’Union européenne un million de migrants par an.
Il a personnellement rendu public ce programme, en l’assortissant
de la possibilité de prêts financiers. Vous avez pu en prendre
connaissance. Pour ce qui nous concerne, nous refusons cette
proposition. Nous ne voudrions pas non plus perdre notre droit à
fixer administrativement les prix de l’énergie, parce que nous
craignons qu’il en résultera un accroissement des charges de notre
population, une nouvelle et brutale augmentation des prix, dont les
ménages hongrois ont déjà assez souffert dans le passé. Et nous
ne voudrions pas non plus que la détermination de la fiscalité,
actuellement de la compétence des Etats-membres, passe à l’Union,
parce qu’un tel transfert serait préjudiciable à notre
compétitivité. Nous ne comprenons pas non plus pourquoi la
Commission flétrit chaque année dans son rapport notre régime du
travail d’intérêt général, qui est un élément important d’une
société basée sur le travail plutôt que sur l’octroi
d’allocations. Ce sont des sujets très actuels. Notre position est
que, sur ces points, nous ne voulons pas de changement, nous ne
voulons pas de réaménagement entre les compétences respectives des
Etats et de l’Union. En d’autres termes, nous défendons le statu
quo mis en place de notre volonté commune. D’où le slogan
« Arrêtons Bruxelles ! » Ce n’est tout de même
pas un péché ! C’est ensemble que nous avons adopté les
règles actuellement en vigueur, et nous défendons donc les règles
actuelles, qui sont aussi des acquis européens communs. C’est
pourquoi il n’est pas possible, selon moi, de considérer que la
position de la Hongrie et notre consultation nationale soient
« anti-européennes ». Il est vrai aussi – et je ne
veux pas le nier – que notre vision de l’Europe est basée sur
« une Europe forte de la force de ses Etats-membres ».
Dans une Europe de cette nature, les Etats-membres assument, et
n’écartent pas leurs responsabilités. Responsabilité pour la
dette publique, pour le budget et pour la défense des frontières.
C’est
avec les moyens du raisonnement et de la persuasion que nous
souhaitons, Mesdames et Messieurs, orienter les décisions que vous
avez à prendre ici. Je propose que ceux à qui l’opinion de notre
pays ne plaît pas viennent présenter leurs propres arguments, nous
en débattrons, mais de grâce ne nous condamnez pas uniquement parce
que la Hongrie a une opinion à elle, une opinion indépendante.
Notre
troisième sujet concerne la réglementation applicable aux
organisations non gouvernementales. Le projet dont nous discutons
actuellement en Hongrie reprend le modèle américain. Dans beaucoup
de pays de l’Union – et, si je suis bien informé, vous-mêmes
ici, dans le cadre du rapport Pieper – l’on se préoccupe de la
question complexe de savoir comment rendre transparente aux yeux de
tous l’activité de puissants et riches lobbies souhaitant
influencer le processus décisionnel démocratique. Le projet de loi
hongrois est basé sur la transparence. Tout ce que nous voulons
savoir, c’est quels capitaux et quels intérêts se trouvent
derrière les ONG. Cela ne porte en rien atteinte à leur droit
constitutionnel de faire entendre leur voix, de défendre leurs
intérêts et de s’organiser librement.
Il
faut aussi rappeler très clairement, Mesdames et Messieurs, que
l’attitude du gouvernement hongrois a toujours été conséquente,
et que nous nous sommes toujours exprimés sans détours. Nous avons
toujours souhaité respecter les règles du club, et nous les avons
respectées. Je suis parfaitement conscient de ce que l’appartenance
à l’Union comporte non seulement des droits, mais aussi des
obligations. Nous nous sommes toujours efforcés de régler nos
différends par le dialogue et la négociation. Je suis heureux de
vous annoncer que nous avons ainsi réussi à clore, sur la base d’un
commun accord, des différends complexes tels que la réglementation
des médias, la nouvelle constitution hongroise, la réforme du
système judiciaire ou encore le développement de notre énergie
nucléaire. Ce sont des affaires qui ont été réglées avec succès.
Je voudrais vous assurer, Monsieur le Vice-Président, que c’est
dans le même esprit que nous souhaiterons aborder les sujets
figurant à notre du jour d’aujourd’hui.
La
Hongrie, Mesdames et Messieurs, est un pays fier. Les Hongrois se
sont toujours considérés comme une nation majeure, engagée sur les
valeurs chrétiennes de l’Europe, et ont toujours voulu avoir voix
au chapitre dans les questions qui les concernaient. Mon gouvernement
travaille pour que l’engagement de la Hongrie vis-à-vis de l’Union
européenne se renforce. Ce travail est couronné de succès. C’est
en Hongrie que le taux d’acceptation de l’Union européenne est
le plus élevé de tous les Etats-membres, supérieur à 70%. Et nous
en sommes fiers. Croyez-moi, les populations ne soutiendront l’Union
européenne que si elle est basée sur des débats ouverts et
honnêtes, et si elle est capable de reconnaître qu’il y a des
moments où elle a bien besoin de se réformer.
Monsieur
le Président,
Nous
avons toujours rendu au Parlement Européen les honneurs auxquels il
a droit. Je vous demande, lorsqu’il est question de la Hongrie, de
rester critiques face aux préjugés, je vous demande de vous en
tenir à la réalité des faits et je vous demande de juger avec les
mêmes poids et les mêmes mesures. Ce n’est qu’ainsi que nous
serons dignes, tous, de porter le nom d’Européens.
Je
vous remercie de votre attention.
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