jeudi 19 mai 2022

Dans « Evolution », Kornel Mundruczo filme le poids de l’empreinte génocidaire

"Le cinéaste hongrois s’attache avec délicatesse à essayer de comprendre comment l’on vit avec le souvenir familial de l’horreur de la Shoah.

Kornel Mundruczo, réalisateur hongrois reconnu sur la scène internationale, auteur de films souvent insolites et malaisants (Delta, White God, Pieces of a Woman), poursuit dans Evolution sa collaboration avec sa scénariste Kata Weber, cocréditée pour la première fois à la réalisation. L’histoire appartient de fait à cette dernière, puisqu’elle est inspirée de celle de sa propre mère. Il s’y agit, pour aller à l’essentiel, de la transmigration générationnelle du récit a priori le plus intransmissible qui soit : celui de la déportation dans les camps nazis.

Le film est ainsi scindé en trois tableaux. Le premier, extrêmement impressionnant, quasiment sans paroles, fruit d’une vision fantasmée dont on aura l’explication plus tardivement, est celui de la découverte, dans une chambre à gaz, d’un bébé encore vivant à la libération du camp par l’armée soviétique. De longs plans, à la limite du supportable quand on commence à comprendre où l’on se trouve, sur le sinistre mouroir lavé à grandes eaux par trois hommes impavides, avec ses filets d’eau marronnasses, ses touffes de cheveux incrustées dans les murs et les anfractuosités du sol, qu’on extrait lentement en longues nattes noires, ses traces d’ongles sur les murs, et cet enfant à moitié improbable, à moitié inanimé, tiré des enfers et ramené à la vie sous le ciel blafard.

Âpre et sans concession

La fillette s’appelle Eva, on la retrouve dans le deuxième tableau bien des années plus tard, devenue une vieille femme à moitié sénile, en pleine dispute avec sa fille, Lena. Scène de vie familiale juive dans un appartement de Budapest, façon « kammerspiel » empoisonné, où il ne saurait être question que du traumatisme subi par la mère, à quoi tout, toujours, se ramène quand sa fille voudrait quitter la Hongrie et s’installer à Berlin.

C’est dans cette ville que se tient le troisième tableau, dont le protagoniste principal est le jeune adolescent Jonas, fils de Lena, troisième génération de l’empreinte génocidaire, persécuté à l’école parce que différent des jeunes Allemands, mais qui va habilement passer un pacte semi-amoureux avec une autre paria, une fillette turque au tempérament bien trempé. Jonas passera-t-il outre la sourde malédiction familiale ? Sortira-t-il enfin vivant du ventre de la baleine ? Voici la question, si délicate, si compliquée à circonscrire, à quoi s’attache ce film âpre et sans concession, qui voudrait donner à comprendre comment on peut porter dans la vie le poids tragique d’événements qu’on n’a pourtant jamais vécus." La suite sur lemonde.fr (article payant)

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