"Quelles formes cinématographiques inventer pour figurer l’horreur de l’Holocauste et le traumatisme de sa transmission sans céder à l’illustration ? Le cinéaste hongrois mainte fois récompensé à Cannes notamment, Kornél Mundruczo, et sa complice (coscénariste à plusieurs reprises depuis « White God » en 2014), Kata Wéber, nourris par l’histoire personnelle de cette dernière et d’autres témoignages et archives, relèvent un défi radical, aussi bien fictionnel qu’esthétique. De la libération du camp d’Auschwitz le 27 janvier 1945 au Berlin contemporain, en un triptyque d’une inventivité à chaque fois renouvelée, les auteurs nous rendent perceptibles à la fois l’indicible douleur des victimes, les traces inconscientes et les ‘cicatrices’ intimes de la Shoah sur trois générations d’une même famille de juifs hongrois. Et, au-delà, « Evolution », à travers un style âpre et fulgurant, interroge la judéité dans le Berlin d’aujourd’hui chez un garçon assoiffé de liberté, réfractaire à toute assignation.
Une famille hongroise, trois générations sous le poids écrasant de la Shoah
A nous de supporter le spectacle asphyxiant et proprement sidérant du premier ‘chapitre’. Sous la terre dans un lieu ténébreux aux hautes parois sombres et suintantes, des hommes vêtus de combinaisons de protection nettoient obstinément murs et sols à coups de désinfectants et de grattages répétitifs. Sans un mot. Dans un silence pesant. Des failles dans les murs apparaissent des sortes de cordons épais interminables sur lesquels les individus en question tirent jusqu’à en révéler la composition : des cheveux. Et puis des cris se font entendre, sous leurs pieds semble-t-il. Comme extraite des entrailles de la terre et de l’enfer d’une chambre à gaz, c’est une très jeune enfant, sauvée et ramenée à la surface pour être emportée dans les bras d’un secouriste. Une miraculée (comme d’autres enfants ainsi retrouvés dans des circonstances historiques similaires), arrachée à la mort au moment de la libération du camp d’Auschwitz par l’armée soviétique. Ainsi un unique plan-séquence, aux couleurs sombres, seulement habité par les gestes saccadés et les bruits de frottement d’êtres humains qui se taisent, transpercé par les hurlements d’une enfant, condense-t-il, sous notre regard rempli de terreur et de pitié, l’innommable de la Shoah, en nous menant à la lisière du fantastique et de l’horreur." La suite sur cafepedagogique.net
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