mercredi 30 mars 2022

Béla Tarr, la main à la pâte

"Mathieu Macheret - 29 mars 2022

Né en 1955 à Pecs dans la Hongrie communiste, Béla Tarr est issu d'un milieu modeste, fils d'artisans du théâtre (père décorateur et mère souffleuse), qui parmi pléthore de petits métiers travaillera un temps comme ouvrier sur un chantier de réparation navale. Il faut croire que ces origines sur la brèche du prolétariat ne sont pas pour rien dans l'œuvre au noir du cinéaste magyar, réputée autant que redoutée pour son exigence et son austérité. Exigence, oui, mais pas n'importe laquelle.

 Le Nid familial (Béla Tarr, 1979)

Là où un art bourgeois s'efforce souvent de « faire peuple », il n'est pas rare que la vieille culture ouvrière aspire a contrario à la grande forme, abordant l'art sous son versant abrupt, pour savoir très précisément qu'il ne va pas de soi, qu'il ne se donne pas tout cuit, mais se conquiert de haute lutte. Pour l'artiste ouvrier, la forme doit conserver en elle la trace du travail qui lui a donné naissance. C'est évidemment le cas du cinéma de Béla Tarr qui, contrairement au mythe de la création spontanée, pèse son poids, s'avance massif, se fait sentir dans le moindre de ses partis pris. Ses prises extensives et incroyablement sophistiquées, qui ont forgé sa réputation, manifestent la présence de la caméra, et donc de l'outil, sur le noir et blanc granitique qui en reçoit la frappe, grave et pénétrante. Jusque dans son option de lenteur et de silence, cette forme « en bloc » ne vise aucunement l'abstraction, mais se gorge au contraire de toute la matière du monde (boue, pluie, vent, feu, lumière), buvant à son chaos élémentaire, indécrottable marigot auquel la présence humaine – c'est sa splendeur et sa malédiction – doit sans cesse s'arracher." La suite sur cinematheque.fr

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