Autour de la table de leur minuscule cuisine familiale, deux jeunes sœurs se chamaillent. « On savait déjà qu’on n’aurait rien si Orban s’en mêlait », lâche la plus jeune, Deborah, 16 ans. « Nous ne vivons pas dans un pays où c’est un roi qui décide, j’ai confiance dans la justice », la coupe Nikolette Csemer, 20 ans. « Attendons la décision de la Cour suprême », assure-t-elle. « Je n’y crois pas », rétorque la cadette, toujours pas convaincue.
L’origine
du différend familial a trait à 2,6 millions et 850 000 forints (soit
7 600 et 2 500 euros) de dommages et intérêts que les deux jeunes Roms
ont respectivement obtenus de la justice hongroise en septembre 2019
dans une condamnation historique prononcée en appel contre la mairie de
leur village et le rectorat pour « discrimination ». Comme pour
soixante autres enfants de Gyöngyöspata, petite commune de 2 400
habitants à une heure et demie de route au nord-est de Budapest, le
tribunal a estimé que Nikolette et Deborah ont délibérément été la cible
d’une ségrégation pendant leur scolarité. Les méthodes appliquées dans
la ville sont connues : enfants roms et non roms placés dans des classes
distinctes, accès au sport et à la piscine interdits pour les Roms…
Officiellement destiné à prendre en compte les « différences de niveau »,
ce système scolaire à deux vitesses était dénoncé depuis des années,
sans beaucoup de changement pour les quatre cents Roms qui habitent le
quartier le plus insalubre de Gyöngyöspata. Cette commune est devenue
tristement célèbre, en 2011, pour ses défilés de milices anti-Roms
d’extrême droite, organisés en toute impunité.
« Décision malencontreuse »
Mais
la situation a commencé à évoluer après que les deux sœurs Csemer ont
saisi la justice, en 2015, avec l’aide de l’ONG hongroise Chance for
Children Foundation, dans l’espoir d’obtenir réparation pour cette
scolarité gâchée. Après une longue procédure, la Cour d’appel de
Debrecen a accordé des dommages et intérêts pour un montant total de
100 millions de forints (près de 300 000 euros) aux soixante enfants
concernés.
Cette
condamnation aurait pu rester limitée aux quelques rues de Gyöngyöspata,
si Viktor Orban n’avait décidé d’en faire une affaire d’Etat. Dans sa
conférence de presse annuelle organisée début janvier, le premier
ministre nationaliste a affirmé que le jugement était une « décision malencontreuse » et que « les Hongrois [sous-entendus non roms] n’accepteront jamais de donner de l’argent pour rien »." La suite sur lemonde.fr (article payant)
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