"Portrait« Ecrivains
en dissidence » (4/5).
L’invasion russe de l’Ukraine a ravivé la
mémoire de ceux qui ont su résister à l’oppression du totalitarisme
soviétique et des régimes vassaux. Rescapée du nazisme, harcelée par le
Parti communiste, la philosophe aura lutté toute sa vie contre
l’oppression.
Par trois fois, la future philosophe Agnes Heller (1929-2019) a été alignée avec sa mère au bord du Danube, dans le « ghetto international » de Budapest, par les Croix fléchées, les fascistes pronazis, au pouvoir en Hongrie en 1944-1945. Face à la défaite certaine du IIIe Reich, ces supplétifs des Allemands avaient entrepris de fusiller tous les juifs survivants avant l’arrivée des Soviétiques. Par trois fois, les exécuteurs se sont arrêtés sans explication avant d’atteindre les deux femmes. Agnes Heller, qui raconte cet épisode dans son autobiographie, La Valeur du hasard. Ma vie (Rivages, 2020), confie ne pas avoir eu peur, prévoyant de se jeter à l’eau, le moment venu, mais en avoir tiré une phobie des ponts dressés sur ce fleuve, qu’elle mettra des décennies à surmonter. « Un bon psychologue, relate-t-elle, me dit qu’il ne pourrait pas m’aider, que moi seule pourrais le faire. Et en effet j’y suis parvenue. »
Vaste réflexion sur la modernitéCe souvenir traumatisant concentre deux traits essentiels qui résument la personnalité de cette femme énergique, dont l’existence s’est déroulée dans de très sombres temps : la tragédie des totalitarismes et la confiance conservée en la raison humaine, pour y résister. En recevant, en 2014, la médaille Wallenberg (du nom du diplomate suédois qui entreprit de sauver les juifs de la capitale hongroise et mourut dans les geôles soviétiques), elle relie ces deux aspects, avec l’arme de son humour indéfectible et de son sens de la provocation, lorsqu’elle affirme qu’« il n’y a de philosophie qu’autobiographique. La philosophie n’est rien d’autre que l’expression de notre temps en concepts. » Elle attribue, dans ses Mémoires, sa vocation de philosophe à la stalinisation rampante de la Hongrie, au tournant des années 1940-1950. « Parce qu’on ne pouvait plus parler politique, il fallait le faire d’une autre façon », dit-elle ironiquement. Mais son travail ne saurait se réduire aux circonstances dans lesquelles il est né.
Car
Agnes Heller laisse bel et bien derrière elle une œuvre philosophique
considérable, quoique mieux reçue et traduite en Italie qu’en France.
L’espoir d’amender le marxisme et de rendre plus vivables les régimes
socialistes, longtemps entretenu par la philosophe, a inspiré les..." La suite sur lemonde.fr (article payant)
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