lundi 13 décembre 2021

Inutile de trop parler. Il faut plutôt se comprendre.


"Interview de Gábor Orbán avec Zsuzsa F. Várkonyi, auteure du roman Roman de jeune fille pour temps masculins (Háttér, 2018; Libri, 2020) qui a inspiré le film Ceux qui sont restés, projeté au cinéma Le Grand Action le 18 décembre à 18h en présence du réalisateur, Barnabás Tóth.

Si je devais identifier le procédé le plus efficace du livre (et du film qu’il a inspiré), je proposerais certainement la retenue, qui, je dirais, caractérise à la fois le récit déroulé au premier plan sous les yeux du lecteur (ou du spectateur), cette relation qui évolue principalement dans le huis clos des appartements, mais aussi, au second plan, le contexte évoqué en filigrane, ces événements insupportablement tragiques, également à l’origine de cette relation peu conventionnelle. Il nous faut reconstituer ces éléments à partir de détails et de fragments de mémoire qui ne sont que suggérés. Cette « retenue » relève-t-elle chez vous d’une forme d’écriture consciente ou le traumatisme que constitue la perte de nos proches ne peut-il s’exprimer autrement que sèchement, à travers cette forme de silence éloquent ?

Sans nul doute, ne rien dire à leurs enfants de cet enfer, ou n’en laisser échapper que certains éléments factuels et soigneusement filtrés est une caractéristique des survivants de l’Holocauste. Le fait que les ouvrages sur le sujet aient commencé à paraître dans les années 1990 seulement, après la mort des survivants et au moment où leurs enfants prenaient la plume avant d’être rattrapés par l’âge, est également un signe du nombre de personnes qui ont vécu cette tragédie du destin comme un tabou familial absolu. C’est comme si nous adressions un message : « Nous voulons malgré tout le dire avant de partir ». Jusqu’à quel point restons-nous fidèles, en tant qu’écrivain, à cette « retenue » expérimentée dans l’enfance dépend bien sûr de chacun. S’agissant de mon livre, je pense que je ressens, parle et vis de la même manière dans ma vie personnelle. Inutile de trop parler, il faut plutôt se comprendre. Comme la réaction du protagoniste masculin du livre, par exemple, lorsque la petite fille fiévreuse lui reproche de ne pas l’avoir réveillée quand un matin il passe près de son lit sans faire de bruit, la laissant aux soins de sa tante. « Tu m’aurais réveillé si j’avais été malade et que j’avais fini par m’endormir ? », lui demande-t-il. « Je ne t’aurais pas laissé comme ça… », répond-elle et il déglutit. Nous devons sentir les choses, par exemple, lorsque l’autre avale sa salive sans dire un mot." La suite sur culture.hu

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