"Je l’admets, je suis un témoin capricieux ; mais autrement, comment pourrais-je me tirer de cette aventure sans y laisser ma jugeotte ? Il ne peut s’agir que de fragments, de miettes. Donner une vue exhaustive du camp ? Autant vider la mer à la louche.
On parle souvent de « Anne Frank roumaine/polonaise/hongroise » pour évoquer les journaux d’adolescente juive « de l’Est » datant de la Seconde Guerre mondiale. C’est une description qui permet aux personnes qui n’ont encore jamais entendu parler du journal en question de comprendre qu’il s’agit d’un parcours similaire à celui de l’adolescente juive la plus emblématique des victimes de l’Holocauste. Mais je me demande parfois si décrire ainsi l’un des – relativement – nombreux journaux qui ont survécu à la Seconde Guerre mondiale, n’est-ce pas risquer de gommer l’individualité de chacune de ces adolescentes – leur personnalité, leur contexte d’origine, leur parcours (et le parcours de leurs journaux), leurs ambitions – ainsi que le caractère unique des journaux qu’elles ont laissés.
Je me suis à nouveau posé la question, sans arriver à une réponse satisfaisante, en lisant Les beaux jours de ma jeunesse, le journal d’Ana Novac, alors âgée de 15 et 16 ans dans les fragments correspondant à la période juin 1944-mai 1945 qui sont restitués dans le livre. Ana Novac, que plusieurs sources (y compris le recueil de récits féministes roumain Désobéissantes) présentent comme étant « surnommée ‘la Anne Frank roumaine’ », partage l’immense appétit de vivre de sa contemporaine, mais sa personnalité unique, tenace, effrontée, emplie d’humour noir et de cynisme brille à travers les fragments de journal de camp reconstitués dans ce livre.
Parce que le livre ne contient qu’une partie d’un journal qu’elle a
entamé bien avant sa déportation (elle évoque son espoir de retrouver
les six carnets laissés chez le concierge de la maison parentale), et
continué dans les camps, le corps du texte n’évoque que peu son parcours
avant son arrivée dans les camps : son arrestation dans un train, son
internement « dans un ghetto étranger » dont elle tente de s’évader,
puis la briqueterie de Miskolc (aujourd’hui au nord-est de la Hongrie),
dernière étape avant la déportation." La suite sur passagealest.wordpress.com
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